Aides en santé de la communication

Published on 16 juin, 2016

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Trouver le Ph. D. en moi : Perdu en cours de transfert (des connaissances)

Deuxième partie de la série de blogues Trouver le Ph. D. en moi. Lire la première partie ici.

Par Bonita Squires, M. Sc., O(C)


J’en suis toujours à la première année de mes études de doctorat, ce qui — à l’Université Dalhousie – signifie que j’entreprends des travaux de cours du cycle supérieur. En outre, j’assiste au plus grand nombre d’exposés et d’ateliers pertinents que mes yeux et mes oreilles avides peuvent capter, je présente le plus grand nombre d’exposés que mon horaire me permet et je donne libre cours à mes réflexions dans des manuscrits pour le panel d’experts universitaires des publications examinées par les pairs (comme vous le savez déjà si vous avez lu mon dernier billet sur la rédaction). Entre-temps, je commence aussi à concentrer mes réflexions sur une étude interventionniste pour le moment floue que je prévois réaliser. En cours de réflexion sur la création de connaissances, une petite voix à l’intérieur de ma tête sème chez moi le doute. Les connaissances que j’aimerais contribuer sont-elles utiles? Qui appliquera un jour ces connaissances? Grâce à cette petite voix, beaucoup des exposés et ateliers auxquels j’ai participé ont porté directement sur ces préoccupations, par le truchement de l’étude de ce qu’on appelle le « transfert des connaissances ».

La patience est peut-être une vertu… mais 17 ans?!

Le transfert des connaissances porte plusieurs noms, notamment « diffusion du savoir », « exercice fondé sur des données probantes » (et son pendant « preuves fondées sur la pratique »), « transfert et échange du savoir » et « science de la mise en œuvre ». C’est un processus complexe qui sous-entend la création, la mise en œuvre, la communication et l’application d’une recherche en collaboration avec des intervenants (dans mon cas, des enseignants, des parents, des administrateurs et des étudiants) selon un mode de collaboration pluridirectionnel, dynamique et itératif.

Un fait dissuasif qui a motivé les chercheurs à améliorer l’état actuel de la création des connaissances universitaires est qu’il faut en moyenne 17 ans pour convertir la recherche en pratiques concrètes (Morris, Wooding et Grant, 2011). Dans n’importe quel domaine, c’est un délai trop long; mais en éducation des enfants qui sont sourds ou malentendants, cela est absolument inacceptable! La technologie auditive et le zeitgeist entourant le langage des signes évoluent à un rythme tellement rapide que je n’arrive pas à suivre la cadence. Plus important encore, il y a des enfants sourds et malentendants qui ont besoin de soutiens appropriés dès aujourd’hui, et non pas longtemps après la fin de leurs études secondaires. J’admets que pour une néophyte dans le milieu universitaire, il est difficile de patienter. Une notion que je me dois de garder à l’esprit est que, si j’applique les bonnes mesures d’intégration du transfert des connaissances au début de ma recherche, alors l’écart entre la recherche et l’exercice pourrait ne pas être aussi marqué.

Dans l’œil d’une intervenante

L’automne dernier, j’ai assisté à un exposé par la directrice d’un organisme communautaire travaillant auprès de clients des Premières Nations. Le moment le plus percutant de son exposé a été lorsqu’elle a parlé de la diapo suivante : « Pourquoi nous ne vous rappelons pas ». Elle a expliqué qu’elle reçoit d’innombrables demandes de participation à des études de recherche, vu l’accès unique de son organisme aux clients des Premières Nations. Cependant, au fil des ans, elle a vu beaucoup trop de chercheurs débarquer dans son bureau, accaparer de son temps et de ses ressources, recueillir des données sur ses clients puis repartir, sans jamais donner suite. Elle a dit qu’elle s’interroge souvent à savoir si elle serait même en accord ou en désaccord avec les interprétations que font les chercheurs de leurs résultats. Par conséquent, elle n’est plus intéressée à travailler avec des chercheurs anonymes qui suivent leur propre ordre du jour et qui ne tiennent pas compte des besoins de son organisme.

Heureusement, elle a également pris le temps de décrire le chercheur idéal avec lequel elle a été appelée à travailler. Ce chercheur a d’abord appris à la connaître, s’est intéressé aux rouages de l’organisme et a collaboré étroitement avec ses collègues et elle. Admirablement, le chercheur a intégré le coût des tâches administratives pour l’organisme dans les demandes de subventions de recherche et exigé que les adjoints à la recherche consacrent bénévolement du temps auprès de l’organisme pendant des mois avant de recueillir le moindre élément de données. Une fois la collecte de données terminée, le chercheur a discuté des résultats avec l’organisme et conservé une communication continue. C’est là un excellent exemple du transfert des connaissances à l’œuvre, du début à la fin, bien que la notion de savoir si le transfert des connaissances a réellement une « fin » est discutable.

Pourrais-je le faire?

Eh bien, tout d’abord, j’ai l’immense chance d’être déjà affiliée à l’organisme avec lequel j’aimerais travailler. Je ne suis pas une chercheuse anonyme. La prochaine étape, alors, serait d’élaborer ma question de recherche, avec les besoins de l’organisme à l’esprit. Je suis déjà consciente que l’équipe est désireuse de travailler avec moi afin de faire avancer l’exercice fondé sur des données probantes, ce dont je suis reconnaissante. La difficulté réside plutôt dans l’art de déterminer une question de recherche appropriée et de concevoir l’étude. Dans un monde idéal, je ne lésinerais pas sur les groupes de discussion, l’analyse des résultats du questionnaire et l’obtention de commentaires auprès de tous les intervenants à chaque étape du processus. Malheureusement, la réalité est que les fonds de recherche sont restreints. Je dois donc choisir judicieusement comment je répartirai mon emploi du temps.

J’ai découvert un mentor qui possède de l’expérience dans la mise en œuvre d’interventions auprès du personnel scolaire et je prévois faire appel à ses services pour obtenir des commentaires des intervenants en cours de recherche et le plus souvent possible. En fait, mon rêve est de devenir une chercheuse clinicienne, c’est-à-dire une clinicienne qui effectue également de la recherche. Si ce n’est pas là le mécanisme idéal de transfert des connaissances, alors je ne sais pas ce qui l’est. J’essaie toujours de déterminer où pareils emplois se trouvent… et, à ce sujet, soyez à l’affût de mon prochain billet qui discutera de pourquoi une étudiante de première année au Ph. D. doitsonger au réseautage.

Ressources complémentaires

Pour de plus amples (et plus érudites) lectures sur l’intégration du transfert des connaissances à la recherche, consultez l’article suivant : « Practice-based research: Another pathway for closing the research-practice gap » par P.J. Crooke et L.B. Olswang (2015). Également, les Instituts de recherche en santé du Canada ont investi dans l’utilité du transfert des connaissances. Pour voir ce qu’ils ont à dire sur le sujet et comment ils ont intégré le soutien au transfert des connaissances dans leurs demandes de subventions, cliquez sur l’hyperlien suivant : http://www.cihr-irsc.gc.ca/e/
29418.html.


Bibliographie

Crooke, P. J. et Olswang, L. B. (2015). Practice-based research: Another pathway for closing the research-practice gap. Journal of Speech, Language and Hearing Research, 58(6), S1871–S1882. doi:10.1044/2015_JSLHR-L-15-0243
Morris, Z. S., Wooding, S. et Grant, J. (2011). The answer is 17 years, what is the question: Understanding time lags in translational research. Journal of the Royal Society of Medicine, 104(12), 510–520. doi:10.1258/jrsm.2011.110180

Légende de l’image de l’article : Bonita évalue un enfant au Département d’éducation spécialisée des provinces de l’Atlantique. Références photographiques : Daniel Abriel.

À propos de l’auteure :

Bonita-Headshot

Bonita Squires, M. Sc., O(C), est une orthophoniste spécialisée en modification des accents. Elle a amorcé son Ph. D. en santé à l’Université Dalhousie en 2015. Son champ de recherche est l’évaluation du langage et de l’alphabétisme et les interventions connexes auprès des enfants sourds ou malentendants. Dans son ancienne vie (professionnelle), Bonita était interprète en ASL (langage des signes américain / anglais). Elle a enrichi son parcours des expériences langagières et personnelles que les personnes des collectivités sourdes ou malentendantes ont partagées avec elle. La série de blogues continue de Bonita, Trouver le Ph. D. en moi, partage certaines des réflexions qu’elle a acquises et certains des défis qu’elle a dû relever au fil de son parcours menant au doctorat.




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