Trouver le Ph. D. en moi : L’Étude sur les morphèmes en mutation
Partie 5 de la série de blogues Trouver le Ph. D. en moi. Lire la Partie 4 ici.
Par Bonita Squires, M. Sc., O(C)
Il est difficile d’y croire, mais je viens tout juste d’amorcer la troisième année de mon programme de doctorat! J’ai réussi la défense orale de mes vastes examens à la fin de mars, alors la seule chose à venir pour moi est « l’Étude ».
À l’automne 2014, j’ai rédigé ma première vision de ce à quoi pourrait ressembler « l’Étude » pour ma demande au programme de Ph. D. en santé à l’Université Dalhousie. Même si, à l’époque, je me sentais attirée par la mise en application de l’étude que je proposais, un certain nombre d’aspects de l’étude proposée ont beaucoup changé depuis. Lorsque j’observe les autres stagiaires en recherche, je constate que le même phénomène se produit maintes et maintes fois : ils dressent un plan original qui est inévitablement appelé à changer avant qu’il ne soit pleinement mis en œuvre. Si vous envisagez d’entreprendre une formation en recherche, vous devrez être à l’aise avec un plan qui se transformera progressivement à mesure que vous lirez les conceptions d’études similaires, rédigerez des articles des sujets connexes et discuterez avec les superviseurs et collaborateurs.
En quoi l’Étude a évolué au fil du temps
Quel genre d’étude?
J’ai d’abord prévu tester les capacités langagières d’un grand groupe d’étudiants qui sont sourds ou malentendants (S ou M) puis mener une intervention collective. Le défi de réaliser une étude d’intervention collective est soit que j’effectue toutes les séances d’intervention moi-même (étant donné que je n’ai pas d’adjoints à la recherche qui travaillent pour moi) auprès d’enfants répartis dans toute la province ou que l’intervention soit mise en œuvre par divers enseignants. Cette conception a commencé à me paraître plutôt impossible à concrétiser. Alors, il y a un an de cela, j’ai modifié mon plan pour ce qui s’appelle une « conception monosujet » avec seulement trois ou quatre étudiants avec lesquels je travaillerais directement. Cela aurait exigé des tests à intervalles hebdomadaires et un enseignement échelonné sur plusieurs mois, et donc que j’aurais dû parcourir beaucoup de route en voiture pour joindre même deux étudiants par jour (dans le meilleur des cas). En décembre dernier, j’ai décidé de me concentrer exclusivement sur une « étude descriptive », sur le rassemblement de plus de renseignements à propos des capacités des enfants qui sont S ou M, en omettant totalement le volet intervention.
Quoi mesurer?
J’ai débuté avec un intérêt en conscience morphologique (CM), la capacité de consciemment manipuler des parties des mots appelés morphèmes (p. ex., re-constr-uire). L’intervention enseignerait des compétences en CM pour voir si elles contribueraient à améliorer au passage les capacités de compréhension de l’écrit. Pendant un certain temps, j’ai réaligné mon point focal sur la lecture uniterme ou à mots uniques seulement mais j’ai maintenant décidé d’évaluer les capacités en lecture de trois façons : la lecture uniterme, la fluidité en lecture et la compréhension de l’écrit. De plus, outre les capacités en CM, il existe une compétence similaire appelée conscience phonologique (CP), la capacité de consciemment manipuler les plus petites parties des mots appelées phonèmes (p. ex., n-a-v-i-r-e). Les compétences en CP sont connues comme une aide à la lecture précoce, alors j’ai fini par inclure les compétences en CP dans « l’Étude » ainsi que les compétences en CM (mais pas d’intervention en CM). Enfin, après avoir réalisé certains travaux avec les échantillons langagiers dans notre laboratoire de recherche, j’ai décidé cet hiver que je recueillerais également un échantillon langagier de 10 minutes à partir duquel je pourrais constater quels morphèmes les enfants utilisent dans la conversation spontanée au-delà du pluriel (-s) et du participe passé (-é) les plus souvent étudiés.
Quel est le but de l’Étude?
À l’origine, mon but premier était de tester l’efficacité d’une intervention en CM. Par suite de l’inclusion des compétences en CP, j’ai décidé de comparer l’impact mutuel de la CM et de la CP et les capacités en lecture. Le changement vers une étude collective moins l’intervention me permet d’inclure un groupe témoin d’enfants entendants et d’explorer les liens entre l’utilisation des morphèmes, la CM, la CP et la lecture. Je suis particulièrement intéressée à connaître comment ces liens pourraient différer entre les enfants entendants et les enfants qui sont S ou M.
Qui inclure dans l’Étude?
Au départ, je souhaitais inclure les étudiants qui sont S ou M de la 4e à la 8e années mais, après de plus amples lectures sur le sujet, j’ai déterminé que les classes de la 2e à la 4e années conviendraient le mieux aux tests collectifs mais que les classes de 2e et 3e années seraient idéales pour le groupe d’intervention monosujet. Avec le point focal maintenant de nouveau sur un grand groupe, les classes de la 1re à la 3e années seront comparables aux autres études qui se penchent sur l’acquisition de morphèmes. J’ai également décidé que je devrais n’inclure que les enfants qui portent des appareils auditifs et qui ont des niveaux de perte d’audition légers ou graves et d’exclure les enfants qui ont des implants cochléaires. Cela aiderait à concentrer l’Étude.
La leçon
Qu’est-ce que tout cela signifie et pourquoi est-ce je vous le raconte? En bref, la recherche exige de la souplesse et de l’adaptabilité. La vérité est que nous avons de grands plans lorsque nous entreprenons des études de doctorat. Nous pensons que, en quelque sorte, nous pourrions en arriver à changer le monde. Nous pensons que nous pouvons relever les plus grands défis immédiatement et voulons « faire toutes les choses » en une seule et même étude. Pourtant, notre contexte de recherche, nos ressources et notre conscience grandissante de ce qui a déjà été fait (et ce qu’il reste à faire) guideront les changements imprévus qui transformeront nos plans de recherche de blancs-becs.
Pour le moment, je me concentrerai sur ce qui est réalisable, sur ce qui contribuera peut-être une pièce petite mais nouvelle du casse-tête en alphabétisme au grand corpus de la littérature, et sur ce qui renforce mes propres compétences et intérêts en gestation. L’Étude aura bel et bien lieu un jour (j’espère commencer à tester à l’automne!) et j’ai hâte de découvrir exactement ce que à quoi sa dernière itération ressemblera.
Dans mon prochain billet de blogue, je discuterai de l’éthique et de mes humbles réflexions sur le privilège de l’audition alors que j’entreprendrai ma recherche auprès des personnes qui sont S ou M.
Pour de plus amples renseignements sur la conception de recherche, je vous suggère de jeter un coup d’œil aux descriptions succinctes fournies par l’Université de la Californie du Sud : http://libguides.usc.edu/writingguide/researchdesigns.
N’oubliez pas qu’OAC offre des possibilités de bourses de recherche à l’intention des cliniciens. Si vous souhaitez mener de la recherche et que vous avez besoin de fonds pour y arriver, rendez-vous à http://www.oac-sac.ca/à-propos-doac/bourses-de-recherche-clinique.
À propos de l’auteure
Bonita Squires, M. Sc., O(C), est une orthophoniste spécialisée en modification des accents. Elle a amorcé son Ph. D. en santé à l’Université Dalhousie en 2015. Son champ de recherche est le langage et l’alphabétisme chez les enfants sourds ou malentendants. Dans son ancienne vie (professionnelle), Bonita était interprète en LSA (Langage des signes américain / Anglais). Elle a enrichi son parcours des expériences langagières et personnelles que les personnes des collectivités sourdes ou malentendantes ont partagées avec elle. La série de blogues continue de Bonita, Trouver le Ph. D. en moi, partage certaines des réflexions qu’elle a acquises et certains des défis qu’elle a dû relever au fil de son parcours menant au doctorat.