Regard sur la profession : Le rôle des orthophonistes dans le traitement de la commotion cérébrale
Afin de souligner le travail de nos membres et associés, nous lançons notre série d’articles publiée dans Communiqué et intitulée Regard sur la profession. Nous avons invité plusieurs membres et associés d’OAC à nous faire part de leur expérience afin de mieux faire connaître l’importance des professions en santé de la communication.
Pour le Mois de la parole et de l’audition, nous lançons la série d’entrevues avec deux articles qui mettent en vedette la prise en charge de la commotion cérébrale et un autre qui fait connaître le profil de l’une de nos associées qui est une aide en santé de la communication.
Pour notre volet orthophonie, nous nous sommes entretenus avec Elizabeth Skirving, une orthophoniste de London, en Ontario. L’entrevue porte sur le rôle de Mme Skirving en tant qu’orthophoniste et de son expérience dans le traitement de la commotion cérébrale, faisant ainsi ressortir l’important rôle que jouent les orthophonistes dans la prise en charge et le traitement de la commotion cérébrale.
Lisez, ci-dessous, cette entrevue avec Mme Skirving!
Question 1 : Pouvez-vous nous donner quelques détails sur votre milieu de travail et votre rôle d’orthophoniste?

Je suis orthophoniste dans un cabinet privé de London, en Ontario. Je travaille principalement auprès d’enfants, d’adolescents et d’adultes qui ont subi une commotion cérébrale ou une lésion cérébrale dans une collision impliquant un véhicule. Mon rôle consiste, entre autres, à évaluer et à traiter les problèmes cognitifs et les problèmes de communication qui résultent d’un tel traumatisme. Je travaille avec les clients, les membres de leur famille, les partenaires, les enseignants, les avocats et les professionnels de la réadaptation afin de fournir de l’information et du soutien à propos des conséquences des problèmes cognitifs et des problèmes de communication sur la capacité du client à fonctionner à la maison, au travail, à l’école et dans la communauté.
Je suis à mon compte et je travaille seule, mais la plupart de mes clients sont suivis par une équipe de santé communautaire. Je suis donc souvent appelée à collaborer avec des ergothérapeutes, des physiothérapeutes, des travailleurs sociaux, des psychologues, des audiologistes, des orthoptistes et du personnel de soutien en réadaptation, parfois même avec des aides-enseignants et des professeurs particuliers. Il s’agit d’un rôle assez vaste qui englobe l’enseignement, la communication et la collaboration.
Question 2 : Quelle est votre expérience en traitement de la commotion cérébrale?
Je travaille en réadaptation des personnes atteintes d’une lésion cérébrale depuis plus de 25 ans et la commotion cérébrale a toujours constitué une partie de mes cas bien qu’à une certaine époque nous faisions référence à la commotion cérébrale en utilisant « légère lésion cérébrale ou léger traumatisme crânien ». Autour de 2012, la commotion cérébrale est devenue un terme plus familier, surtout en lien avec les sports. L’on convient qu’environ 80 % des personnes qui subissent une commotion cérébrale s’en remettront complètement. Malheureusement, de 15 % à 20 % des gens vivent des symptômes post-commotionnels prolongés. Ce sont ces personnes que nous voyons.
La majorité de mon travail se fait au sein de la communauté. J’ai pu travailler avec des gens à leur domicile, dans leur école, au travail et dans la communauté afin d’intégrer des stratégies cognitives et de communication qui se traduisent par des tâches et des rôles significatifs. J’ai aussi eu la chance d’accepter certains contrats auprès d’une équipe de réadaptation de patients non hospitalisés. Dans ce cas, mon travail consistait avant tout à collaborer avec l’équipe afin d’aider les clients à reprendre leurs apprentissages, à retourner au travail et à reprendre leurs activités et leurs relations à la maison et dans la communauté.
Question 3 : Quels sont les signes les plus courants d’une commotion cérébrale du point de vue d’une orthophoniste?
Les orthophonistes se concentrent avant tout sur les problèmes cognitifs et de communication qui surviennent après une commotion cérébrale. Les symptômes post-commotionnels prolongés qui ont une incidence sur la cognition et la communication comprennent la sensibilité à la lumière, au bruit et au mouvement, des maux de tête, de la douleur, de la fatigue et de l’irritabilité. Les problèmes cognitifs et de communication qui surviennent généralement à la suite d’une commotion cérébrale englobent ceux qui suivent : manque d’attention et de concentration, problèmes de mémoire, problèmes d’écoute et de rétention de l’information, difficulté à trouver ses mots, difficultés à organiser ses pensées et ses idées lorsque vient le temps de converser ou d’écrire, difficulté à comprendre ce qui est lu et à s’en souvenir, difficultés à comprendre les signes de communication sociale et lenteur dans le traitement de l’information. Notre rôle consiste à comprendre l’incidence des difficultés cognitives et de communication, en plus de celle des symptômes post-commotionnels, sur la capacité du client à gérer ses activités quotidiennes, ses relations sociales et son bien-être général.
Les clients disent qu’ils sentent qu’ils ne peuvent pas suivre une conversation et qu’ils ont tendance à se sentir dépasser lorsqu’ils se retrouvent dans un milieu animé, ce qui conduit souvent à l’isolement social.
Question 4 : Que peut-il arriver si ces symptômes ne sont pas diagnostiqués ou traités?
Dans le cas des commotions cérébrales, l’intervention porte généralement d’abord sur les symptômes physiques et le rétablissement. Ce n’est que lorsque les douleurs et les problèmes de mobilité des clients sont bien contrôlés qu’ils peuvent commencer à prendre conscience des changements cognitifs. Souvent, il y a une réaction émotionnelle lorsqu’une personne se rend compte qu’elle a de la difficulté à rester attentive et à se souvenir des choses, qu’elle a de la difficulté à trouver ses mots et qu’elle se sent dépassée lorsqu’elle doit réaliser des tâches qui se divisent en plusieurs étapes. Les clients expriment souvent une frustration, une gêne et une plus faible confiance en eux. Lorsque ces difficultés ne sont pas cernées et expliquées, les clients peuvent éprouver un grand sentiment d’échec et il se peut qu’ils tendent à éviter davantage les situations sociales. Le fait d’avoir de la difficulté à se discipliner soi-même et à contrôler ses émotions a tendance à augmenter si aucun enseignement et aucun soutien n’ont été fournis dans le cadre du programme de réadaptation des personnes ayant subi une commotion cérébrale. Les clients disent souvent qu’ils ont l’impression que l’orthophoniste est la première personne qui les a vraiment écoutés et qui a compris comment ils se sentaient après une commotion.
Question 5 : Arrive-t-il que des patients ne prennent pas ces symptômes prolongés au sérieux et ne cherchent pas à se faire soigner immédiatement?
Souvent, si un client ne reconnaît pas ou ne comprend pas ses symptômes post-commotionnels prolongés, c’est parce qu’il a encore l’esprit « embrumé » ou parce qu’il n’a pas encore participé à des activités qui lui ont fait vivre une difficulté cognitive. Ce sont parfois les amis et les membres de la famille qui sont les premiers à remarquer les changements cognitifs et de communication. Dans d’autres cas, le client est conscient qu’il éprouve des difficultés, mais ceux qui l’entourent tentent de minimiser ces problèmes en disant des choses comme « ce n’est qu’une commotion, reviens-en ». Cela permet de mieux comprendre à quel point il importe d’inclure l’enseignement et le soutien au traitement qui suit une commotion cérébrale.
Question 6 : Si vous deviez choisir un seul point à retenir pour que le public comprenne l’importance de l’orthophonie dans le traitement de la commotion cérébrale, qu’est-ce que ce serait?
Ce que j’aimerais que les gens sachent c’est que les orthophonistes sont des membres importants des équipes de réadaptation des personnes qui ont subi une commotion cérébrale et que nous pouvons fournir des évaluations, de l’information, des interventions et du soutien aux personnes et aux familles. Les orthophonistes comprennent les conséquences des problèmes cognitifs et de communication sur le fonctionnement quotidien. Nous traitons des clients qui ont subi une commotion cérébrale à diverses étapes de leur vie et nous trouvons important de pouvoir fournir du soutien et de revendiquer une meilleure compréhension des problèmes cognitifs et de communication, ainsi que de l’incidence des commotions cérébrales sur la capacité de nos clients à reprendre un fonctionnement significatif à la maison, à l’école, au travail et dans la vie en général.