Published on 26 avril, 2021
0Réflexions d’un orthophoniste : Les perceptions de la profession dans un contexte unique
Par : Patricia Smith, O(C)
Ayant exercé pendant près de cinquante ans en tant qu’orthophoniste (j’ai obtenu mon diplôme en 1972 et je suis membre d’OAC depuis ce temps), j’ai eu l’occasion d’écouter les histoires de nombreuses personnes dont les vies ont été transformées par les membres de notre profession. À maintes reprises, j’ai entendu l’histoire d’orthophonistes ayant fait une différence importante dans la vie de jeunes et de moins jeunes; non seulement des personnes ayant reçu des traitements, mais aussi des membres de leurs familles. Ces histoires portent moins sur les stratégies précises mobilisées que sur les liens qui ont été tissés et le dévouement des membres de notre profession.
Je me suis souvent interrogée sur l’avenir de ceux et de celles auprès desquels nous sommes intervenus. Je me suis notamment posé les questions suivantes : quels sont les éléments essentiels qui contribuent aux progrès dans les domaines de la communication et qui conduisent ultimement à mener une vie heureuse? Quels sont les facteurs clés qui permettent d’y parvenir?
Guidée par ces deux questions, je suis entrée en contact avec deux jeunes adultes et leurs familles. Jake et BB, un jeune homme et une jeune femme, ont tous deux bénéficié d’un soutien orthophonique important tout au long de leurs vies et sont maintenant en voie de réaliser leurs rêves. Un d’entre eux a eu recours à mes services (ainsi qu’à ceux de deux autres orthophonistes), tandis que l’autre a reçu des services orthophoniques dans une autre province.
Certes, ce qui suit ne s’agit pas d’une étude scientifique : mes résultats et mes commentaires ne se veulent qu’une réflexion sur ma vie et mon expérience d’orthophoniste. Dans cet ordre d’idée, mon hypothèse est la suivante : les liens positifs entre un professionnel (dans ce cas, l’orthophoniste) et les clients ainsi que leurs familles sont l’un des facteurs clés en ce qui concerne le succès d’une thérapie. Ces liens ne concernent pas que nos clients. En regardant une personne comme un « tout » plutôt qu’un ensemble de « parties », on comprend qu’il est tout aussi important de tisser les liens avec les parents, les grands-parents et les proches de cette personne. Aucun cours ne porte sur ce sujet lors de notre formation, mais peut-être que ce devrait être le cas.
Cela dit, j’ai dressé une liste des points de discussion que je voulais aborder lors de mes entretiens dans l’espoir de relever les moments importants des parcours de ces deux jeunes adultes. Voici mes points de discussion :
- Les étapes du développement précoce
- Les premiers doutes quant aux difficultés d’apprentissage
- L’ordre de naissance au sein de la fratrie et ses effets
- L’expérience de l’entrée à l’école
- Les réussites et les épreuves au cours des premières années
- Le moment du diagnostic
- Les professionnels ayant posé un diagnostic
- Les types de thérapies
- L’engagement des parents
- Les frustrations des parents
- Les célébrations des parents
- L’école primaire
- Les autres champs d’intérêt au cours de l’enfance
- Les interactions sociales positives et négatives
- La défense des intérêts
- Le premier cycle du secondaire (Middle school)
- Le deuxième cycle du secondaire
- Les accomplissements remarquables
- L’estime de soi
- La situation actuelle
- Les réflexions sur des événements négatifs passés
- Les réflexions sur des événements positifs passés
- Les buts et les aspirations pour l’avenir
Des entretiens ont été menés auprès de chaque jeune et de leurs parents. Voici leurs récits.
Le récit de BB
Au cours des premières années, les difficultés de communication de BB n’étaient pas manifestes pour ses parents. Elle a développé son propre langage avec des mots comme sticks pour des frites (French fries), flat pour des œufs (eggs) et circles pour des croquettes de poulet (chicken nuggets). Elle était toujours joyeuse, charmante et désirait essayer de nouvelles choses. Elle a rapidement développé ses habiletés motrices (elle a commencé à marcher à l’âge de 11 mois) et réagissait avec enthousiasme aux histoires qu’on lui lisait. Les parents de BB ont mentionné que lors de sa jeune enfance, elle faisait preuve de gentillesse et démontrait de remarquables compétences interpersonnelles. Ils la décrivent comme ayant été une « enfant adorable ».
BB a une sœur plus âgée de deux ans et demi. Celle-ci a acquis le langage très tôt et ses habiletés de communication étaient avancées. Ainsi, elle agissait souvent à titre d’« interprète » pour BB.
Les premières années d’école de BB ont été une source de frustration tant pour elle que pour ses parents. Son enseignante de première année a alors informé ses parents qu’elle « avait du retard » et leur a recommandé de faire appel à un tuteur d’été en lecture. En deuxième année, BB ressentait « de la frustration et du mécontentement ». L’enseignant de troisième année de BB a laissé savoir à ses parents qu’elle pourrait avoir un trouble de l’attention (TDA) et peut-être même une tumeur au cerveau. Cet enseignant leur a recommandé de lui faire passer des tests. Cette année-là, BB a subi une évaluation pédagogique avant d’être placée sur une longue liste d’attente en vue d’une évaluation plus approfondie.
À la maison, ses parents l’ont inscrite à des cours de danse. Elle avait du talent, excellait et y prenait plaisir. Pour cette raison, BB a été placée dans une classe avancée qui exigeait une bonne mémoire auditive et la capacité à suivre des instructions orales, ce qui s’est avéré difficile et frustrant pour elle. Pour cette raison, elle a choisi de ne pas poursuivre cette activité.
Pendant ce temps, elle éprouvait de la frustration à l’égard du fait d’être sur une longue liste d’attente pour être évaluée. Par l’intermédiaire d’un ami, elle a finalement été dirigée vers un pédiatre du développement. BB a ainsi pu recevoir une évaluation psychologique, orthophonique et audiologique. Ses parents mentionnent que le rapport d’évaluation indiquait qu’il y avait un écart important entre ses habiletés verbales et non verbales, en plus de lui diagnostiquer un trouble du traitement auditif.
Même si BB avait l’impression que les autres pouvaient la comprendre, il lui arrivait d’avoir l’impression que ses enseignants ne l’aimaient pas.
En janvier de sa troisième année, ses parents l’ont changée d’école. Avec le soutien de ses parents, elle a pu intégrer une classe de deuxième année avec un enseignant renseigné et compétent. Pour eux, il s’agissait d’un changement positif : ils ont constaté une diminution de la frustration de leur fille.
Lors de cette période, BB rencontrait une orthophoniste en cabinet privé à raison de deux fois par semaine. Les parents de BB ont eu des mots élogieux pour cette orthophoniste. Ils ont l’impression que cette orthophoniste comprenait les besoins de leur fille. Après trois ans de thérapie en cabinet privé, cette orthophoniste a déménagé dans une autre province. Comme elle avait une connaissance approfondie des besoins d’apprentissage de BB et qu’elle savait qu’elle ne serait plus en mesure de continuer à offrir son soutien, elle a conseillé à ses parents d’envisager de la transférer dans une école privée dotée de ressources pour soutenir l’apprentissage des enfants ayant un diagnostic de trouble de l’apprentissage. C’est là un exemple d’un professionnel de notre domaine formulant une recommandation en s’appuyant sur la compréhension des besoins de cette jeune fille tout en étant en mesure d’informer ses parents de ce dont elle aura besoin afin de la soutenir au cours de son parcours scolaire. Cette recommandation s’est révélée être un moment décisif dans la vie de BB.
En septième année, elle s’est « approprié » son trouble de l’apprentissage. Elle affirme que, même aujourd’hui, lorsqu’elle éprouve de la difficulté à apprendre de nouvelles choses et qu’elle « ressent » son trouble de l’apprentissage, elle est en mesure de « le tenir à distance » afin de réaliser ses objectifs.
Après avoir reçu son diplôme d’études secondaires, BB fut admise à l’université où elle a étudié les arts lors de sa première année. Puisqu’elle avait un diagnostic de trouble de l’apprentissage, BB avait droit au double du temps, à une pièce à elle seule et à un ordinateur lors de ses évaluations. Elle réussissait bien dans ses études, mais (à son avis) pas socialement. Lors de sa première, elle avait l’impression d’être « perdue », puisqu’elle était passée d’une très petite école secondaire à la vie en résidence universitaire. Elle a alors décidé de prendre une année sabbatique pour revenir à la maison et travailler. Après son année sabbatique, BB a poursuivi ses études et a obtenu son baccalauréat.
Les sciences étaient son domaine de prédilection, mais elle était intimidée par la charge de travail du programme. Cependant, elle sentait qu’elle devait le faire et c’est ainsi qu’elle s’est lancée.
BB fut admise dans un programme de maîtrise en science en plus de recevoir une bourse d’excellence couvrant l’entièreté de ses frais de scolarité.
Elle indique que si par le passé, son trouble de l’apprentissage lui occasionnait de la honte, ce n’était plus le cas à présent. Peut-être est-ce dû à son travail acharné et au fait qu’elle entrevoit désormais son avenir avec confiance.
Lors de notre entretien, BB s’est présentée comme étant une jeune femme ayant de l’assurance et une vision claire de son avenir. Ses parents, évidemment, étaient très fiers d’elle.
Le récit de Jake
Les étapes du développement précoce de Jake ne laissaient entrevoir rien de particulier, excepté en ce qui avait trait au développement du langage. En vieillissant, Jake a continué à éprouver de la difficulté avec le développement du langage. À l’époque, ses parents croyaient que c’étaient ses infections à l’oreille qui ralentissaient son développement et qu’avec le temps, il allait rattraper son retard. D’ailleurs, ses parents ont remarqué une amélioration considérable de ses habiletés de communication après que des tubes furent insérés dans ses oreilles à l’âge de 18 mois. Malheureusement, Jake n’a jamais rattrapé son retard en matière d’habiletés de communication et à un certain moment, la question de l’autisme a même été soulevée. En prématernelle, il a commencé à suivre une thérapie en orthophonie au Children’s Development Center à Kelowa en Colombie-Britannique.
Jake est le deuxième enfant de la famille et a un frère plus âgé de 13 mois. Le frère de Jake, Joel, a pris un rôle de figure parentale dans la vie de Jake, notamment en veillant sur lui et en lui offrant ses conseils et son soutien continu. Jake s’est appuyé sur son grand frère, conscient que l’école était facile pour ce dernier.
Les parents de Jake ont retardé son entrée à la maternelle, en lui offrant un « cadeau d’une année de plus ». Son expérience de la maternelle fut positive, notamment car son enseignante et l’orthopédagogue avaient de l’expérience en la matière et qu’il pouvait compter sur le soutien de ses amis et de son frère. C’est au cours de cette année-là que ses parents ont commencé à prendre la mesure de son retard en matière de communication et de lecture.
Jake a eu recours à des services d’orthophonie de la maternelle à la sixième année avec moi-même, Pat Smith, S-LP. Sa mère a assisté à toutes ses séances d’orthophonie et ses parents effectuaient des exercices de renforcement à la maison. Ce soutien des parents s’est révélé crucial aux progrès de Jake. Ses parents ont affirmé que leur orthophoniste a pris l’initiative d’entamer des conversations difficiles en vue de faire les premiers pas vers un éventuel diagnostic. À leur avis, Jake aurait pu « passer entre les mailles du filet » si l’orthophoniste n’avait pas persévéré malgré la délicatesse du sujet. Après avoir pris connaissance de la situation de Jake grâce à des évaluations compétentes, des thérapies diagnostiques et en cultivant une relation de confiance avec les parents de Jake, j’ai été en mesure de l’orienter délicatement vers des évaluations plus approfondies.
Au milieu de la première année de Jake, le psychologue du district scolaire lui a diagnostiqué un trouble de l’apprentissage ainsi qu’un trouble de l’attention. À ce moment, son enseignant, l’orthopédagogue et l’orthophoniste ont recommandé à ses parents d’entreprendre des démarches auprès du pédiatre qui avait diagnostiqué son trouble de l’attention (TDA).
Jake a très bien vécu le premier cycle du secondaire. À sa septième année, il a rapidement noué des liens avec son enseignant d’anglais et de sciences sociales. Tout au long du premier cycle du secondaire, cet enseignant est devenu un modèle important pour Jake, encourageant ce dernier à participer à un concours d’art oratoire, qu’il a d’ailleurs remporté. Encore à ce jour, Jake aime parler en public.
Il fut nommé athlète masculin de l’année de la septième à la neuvième année, ce qui lui a donné une assurance qui s’est traduite tant dans sa vie sociale qu’à l’école.
Jake a commencé à avoir de la difficulté à l’école lors de sa 11e année. Il n’a pas senti que lui et son entraîneur de basketball étaient sur la même longueur d’onde, ce qui l’a conduit à quitter l’équipe. Ses cours devenaient de plus en plus difficiles et il avait besoin de beaucoup plus de soutien de la part de ses parents. Jake a alors pris l’initiative de rencontrer un conseiller qui lui a offert du soutien pendant cette période. Éventuellement, Jake s’est inscrit à des cours de théâtre et s’est découvert une nouvelle passion. Il a pu réintégrer l’équipe de basketball, notamment parce que celle-ci s’est dotée d’un nouvel entraîneur (son père). Il s’est également engagé auprès du comité des finissants et on lui a demandé d’être l’un des responsables du comité. Les études étaient toujours difficiles, mais grâce au soutien de son père, de sa mère et de son grand frère, il est parvenu à se tailler une place sur le tableau d’honneur! Tout au long de son secondaire, Jake a reçu divers prix pour ses résultats scolaires et son éthique de travail.
Les parents de Jake estiment que ses difficultés de communication ont été l’une des plus grandes épreuves de sa vie, tant dans ses études que dans ses relations d’amitié. Il réussissait bien en sport, ce qui lui a donné beaucoup de confiance et lui a permis de persévérer. Néanmoins, ses difficultés se faisaient tout de même sentir dans les sports qui dépendaient davantage de la communication, notamment lorsqu’il s’agissait de suivre des consignes ou des instructions.
Les parents de Jake l’encouragent constamment à répéter qu’il a besoin de « voir » les choses et qu’il ne cherche pas à être brusque ou irrespectueux. Il était pénible pour eux de le voir devoir composer avec toutes ces épreuves tout en faisant de son mieux. Ce soutien a été crucial à de nombreux égards. Au premier cycle du secondaire, Jake a commencé à faire valoir ses intérêts.
L’obtention du diplôme d’études secondaires a été un moment de grande réjouissance et de réussite que Jake a célébré en famille. Depuis, il a été accepté dans un programme de kinésiologie à l’Université de la Colombie-Britannique et travaille en tant que serveur dans une résidence pour personnes âgées. Selon ses parents, « il adore [son travail], car il travaille avec certains de ses amis et il est tout simplement incroyable avec les personnes âgées. Cette expérience lui a permis d’apprendre différentes choses, comme le fait d’exécuter plusieurs tâches en même temps, la prise de commande et la ponctualité!!! Il adore écouter les histoires des résidents et peu à peu, il se rend compte qu’il y a autre chose que le basketball dans la vie. »
En jetant un regard sur le passé, les parents de Jake estiment que l’événement négatif le plus marquant a été lorsqu’il a fallu lui expliquer qu’il avait un trouble de l’apprentissage. Ils ne le lui ont appris qu’au cours de sa septième année, car ils jugeaient que « ça ne l’aurait pas aidé de le savoir à un si jeune âge ». Lorsqu’il était plus jeune, ils lui expliquaient que tout le monde apprend différemment et qu’il lui fallait simplement travailler un peu plus fort que les autres. Lors de ses premières années de secondaire, un de ses enseignants lui a fait savoir en des termes peu flatteurs qu’il avait un trouble de l’apprentissage. Ce jour-là, Jake est revenu à la maison très contrarié et ses parents ont dû faire preuve de délicatesse en abordant le sujet, car ils ne désiraient pas que leur fils se définisse de manière négative. Aujourd’hui, ils se souviennent de cet épisode avec regret et estiment qu’ils auraient dû le lui expliquer dans leurs propres termes.
Aujourd’hui, la priorité de Jake est de s’entraîner afin de participer aux CrossFit Games. Il espère que cet événement pourra lui servir de tremplin pour démarrer son entreprise de conditionnement physique, de santé et de bien-être. À l’heure actuelle, il suit une formation en ligne pour devenir entraîneur personnel. Il est reconnaissant de pouvoir profiter d’un plan d’enseignement individualisé qui lui permet de bénéficier de temps supplémentaire et qui lui offre l’occasion de reprendre ses travaux.
Lorsque je repense au temps que j’ai passé avec ce jeune homme, je suis toujours impressionnée par l’intuition dont il savait faire preuve. Il était particulièrement doué pour percevoir les émotions des autres et pour les faire siennes; et cela, il l’exprimait bien.
Comparaisons
En comparant les deux études de cas, on constate des similitudes, tant positives que négatives.
- La frustration du diagnostic – où l’obtenir et par qui le recevoir.
- Un mauvais diagnostic précoce – les parents ont inutilement été exposés aux termes « tumeur cérébrale » et « autisme ».
- L’estime de soi affectée par des difficultés de communication.
- Un besoin de soutien continu tout au long de la scolarité.
- Un soutien continu lors des études postsecondaires
- Le fait d’être le cadet d’une sœur ou d’un frère aîné offrant du soutien, mais aussi à qui se comparer.
- Un soutien important et la défense des intérêts de l’enfant par les parents.
- Une excellente éthique de travail.
- Le fait de trouver une activité à laquelle se raccrocher.
- Le fait de prendre de bonnes décisions concernant l’orientation de carrière.
- Une relation positive entre l’orthophoniste et son client. Le fait de se sentir aimer.
- Une communication positive entre les orthophonistes et les parents.
- Des orthophonistes qui offrent non seulement une thérapie, mais aussi de l’encadrement grâce au diagnostic, du soutien et de l’accompagnement en ce qui concerne les études en général.
La perception de notre profession
Une fois mes entretiens terminés, je suis retournée voir ces jeunes adultes et leurs familles pour leur poser deux questions supplémentaires :
- À votre avis, en quoi votre collaboration avec les orthophonistes a-t-elle contribué à la réussite?
- À votre avis, en quoi les orthophonistes ont-ils été uniques dans ce cheminement?
Voici leurs réponses :
- « Nous nous estimons très chanceux que des orthophonistes soient intervenus tôt dans le développement de notre enfant. C’est une orthophoniste qui s’est aperçue la première qu’il avait besoin d’aide supplémentaire et qui nous a encouragés, en tant que parents, à aller chercher de l’aide individuelle pour son retard de langage. Les orthophonistes ont toujours su rendre les thérapies amusantes et il ne s’est jamais rendu compte qu’il était en train de travailler! C’est pour cette raison qu’il y participait toujours à 100 %. La thérapie a été conçue pour être la plus efficace possible en s’adaptant aux traits de personnalités qui faisaient de mon fils une personne unique, ce qui a maximisé les résultats. L’intervention précoce et le soutien individuel ont aussi contribué à sa réussite. De plus, puisque les parents pouvaient prendre part aux séances, le travail a pu être poursuivi à la maison. Les connaissances de notre orthophoniste nous ont permis de prendre des décisions éclairées et nous en serons toujours reconnaissants. »
- « Les orthophonistes sont uniques parce qu’ils peuvent tisser des liens avec les enfants comme personne d’autre ne le peut. Tout l’apprentissage issu de la thérapie contribue à renforcer l’estime de soi. Mon fils a maintenant 19 ans et il parle encore de ses orthophonistes. En tant que parent, il est difficile de voir que son enfant n’atteint pas certaines étapes et ils [les orthophonistes] sont en mesure de fournir des éclaircissements dans des situations difficiles. Les orthophonistes ne guident pas seulement les enfants, mais aussi les parents. »
Résumé et réflexions
Encore une fois, il ne s’agit pas d’une étude scientifique : mes commentaires tiennent davantage de la réflexion. De ce fait, cette discussion ne porte pas seulement sur ces deux jeunes adultes et leurs familles avec qui je me suis entretenue; elle se veut un reflet de près de 50 ans d’exercice en orthophonie avec des jeunes et leurs familles.
La participation des parents dans chacun de ces deux cas fut exceptionnelle. À mon avis, il s’agit là d’un des facteurs de réussite les plus importants. Un autre facteur, toujours à mon avis, se trouve dans l’éthique de travail et la motivation de chaque client ainsi que dans leur aptitude à comprendre de quelle façon ils ont appris et de ce dont ils ont eu besoin pour progresser. Dans les deux cas, la capacité à faire valoir ses propres intérêts s’est avérée essentielle pour le passage d’une situation négative vers une situation positive. Ce sont de jeunes gens remarquables.
Au cours des années, j’ai été témoin de ce type d’éthique de travail et d’engagement des parents, non seulement chez ceux et celles ayant le potentiel d’accomplir des études postsecondaires, mais aussi chez d’autres dont la réussite se mesure différemment.
Selon mon expérience d’orthophoniste, il a toujours été évident que l’engagement des parents est un facteur majeur contribuant à la réussite d’une thérapie. Personnellement, selon mon expérience de parent, je désire soutenir mon enfant tout au long de ses études et j’ai parfois éprouvé de la frustration due à des relations houleuses avec des professionnels.
Pour cette raison, je juge que notre profession offre un contexte unique qui permet d’établir une relation d’aide comme il est peu possible de le faire dans l’exercice d’autres professions. Nous sommes en mesure d’établir des relations positives avec nos clients et leurs familles. Ces relations qui précèdent souvent le diagnostic et se poursuivent jusqu’à l’âge adulte. Nous sommes souvent les « premiers répondants » lorsque des lacunes évidentes sont constatées en matière de développement du langage. Il nous arrive souvent de devoir informer les parents de nos préoccupations au sujet de leur enfant et leur recommander une évaluation plus approfondie. Ce contexte est pour nous l’occasion de faire partager notre expertise avec tact et délicatesse tout en faisant preuve d’empathie et de soutien dans le cadre de nos interactions avec les parents et leur enfant.
Nous assistons à de nombreuses réussites, mais aussi à de nombreuses épreuves. C’est cette relation qui détermine si nous, en tant qu’orthophonistes, pourrons tisser ou non des liens privilégiés et constructifs.
Au cours des années, je me suis aperçu que, pour de nombreuses raisons, certains parents n’étaient pas en mesure d’offrir le soutien nécessaire. Lorsque ce fut le cas, j’ai invité les grands-parents, les frères et sœurs ou d’autres proches à prendre le relais et à offrir leur soutien et à développer une relation semblable. Cette avenue s’est avérée fructueuse pour offrir du soutien.
En offrant des services d’orthophonie, nous avons tous pu développer de telles relations positives et il est de mon avis que c’est pour cette raison que bien souvent, ceux et celles auprès de qui nous avons travaillé nous tiennent en haute estime.
Notre travail, en tant qu’orthophonistes, est guidé par notre formation, par la recherche en cours et par notre expérience. Mais au-delà de ce que nous faisons, ce qui importe, c’est la façon dont nous le faisons et qui nous sommes.