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Published on 2 mars, 2022

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Protéger l’audition tout au long de la vie

Par Jan L. Mayes, M. Sc.

Le thème de la Journée mondiale de l’audition 2022 est : « Pour entendre à vie, ménageons notre audition. » Dans le monde moderne qui est le nôtre, l’exposition à des niveaux sonores élevés et nuisibles en contexte récréatif est devenue chose commune. Mon coauteur, le docteur Daniel Fink, président du conseil d’administration de The Quiet Coalition aux États-Unis, et moi-même avons publié des articles sur l’exposition au bruit à l’extérieur du milieu de travail dans Proceedings of Meetings on Acoustics (Fink et Mayes, 2021; Mayes et Fink, 2021). Le bruit se définit objectivement comme de l’énergie acoustique nuisible, que l’exposition à celle-ci soit voulue ou non. L’écoute personnelle avec des casques d’écoute ou des écouteurs pourrait être la première source d’exposition au bruit en contexte récréatif, particulièrement dans le cas des enfants, des adolescents et des jeunes adultes qui ont grandi en utilisant ce type d’appareil. Parmi les autres sources courantes de bruit, citons les lieux accueillant des événements sociaux, culturels et sportifs auxquels assistent des personnes de tous les âges. L’exposition au bruit extraprofessionnel est si répandue que de plus en plus de jeunes personnes souffrent de pertes auditives occasionnées par le bruit (PAOB). Au-delà des autres mesures de prévention du bruit, l’adoption de pratiques d’écoute sans risque est essentielle pour protéger l’audition tout au long de la vie.

À partir de quel niveau un bruit est-il trop fort?

Le document d’information d’Orthophonie et Audiologie Canada (OAC) sur la PAOB (2019) fait mention d’un seuil moyen d’exposition quotidienne au bruit à l’extérieur du milieu de travail de 70 dB (A) (décibels, pondération A). Ce seuil, fondé sur des données probantes, ne tient pas compte des troubles de l’audition dus au bruit qui précèdent typiquement la PAOB, tels que : les acouphènes, l’hyperacousie, la réduction de la tolérance aux sons, ou encore les troubles du traitement auditif, comme la difficulté à comprendre les paroles en présence de bruits ambiants en dépit de seuils auditifs à l’intérieur des limites normales (Pienkowski, 2021). Les populations vulnérables au bruit nécessitent une protection supplémentaire, car elles courent un risque accru de souffrir de troubles auditifs pour des niveaux d’exposition sonore identiques ou moindres (OMS, 2018). Ces groupes de personnes vont des nourrissons aux adolescents exposés pendant les périodes critiques de maturation du système auditif périphérique et central (Eggermont, 2013).

Une écoute personnelle sans risque

En 2020, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estimait qu’environ 50 % des personnes âgées de 12 à 35 ans risquent de souffrir d’une PAOB en raison de leur utilisation d’appareils audio personnels, ce qui représente plus de 10 millions de personnes au Canada (Statistiques Canada, 2021). Le volume typique lors de l’utilisation d’un appareil personnel se situe entre 75 et 105 dB (A). L’utilisation d’un appareil audio personnel équivaut ainsi à transporter un concert de rock à l’intérieur des conduits auditifs. La loi de Boyle, selon laquelle il existe une relation inverse entre la pression et le volume, laisse supposer que le risque est probablement plus élevé lorsqu’une telle énergie acoustique se propage dans les conduits auditifs plus petits et plus courts des enfants.

Parmi les mesures de protection de l’audition, citons : éviter ou limiter l’utilisation d’appareils audio personnels à l’enfance; régler les fonctions d’écoute « sans risque », les limites de volume sonore et les contrôles parentaux sur les niveaux d’exposition les plus faibles possible; ne jamais avoir recours à des applications d’amplification du son; et privilégier les casques d’écoute et les écouteurs bien ajustés, isolants et dotés de fonctions de suppression ou de réduction du bruit ambiant, particulièrement lors de l’écoute dans un environnement sonore bruyant (p. ex., dans les transports en commun). De plus, les consommateurs devraient se méfier des écouteurs dont la limite sonore est supérieure ou égale à 85 dB (A), qui sont faussement commercialisés comme étant sans risque pour les enfants. Mentionnons qu’il existe des bouchons d’oreille et des protège-oreilles s’adaptant aux appareils audio personnels, notamment pour l’écoute personnelle en milieu de travail bruyant.

En général, l’utilisation d’un appareil audio personnel au niveau de volume le plus bas qui soit confortable, soit inférieur à 50 %, permet d’atténuer les risques auditifs. Un volume réglé entre 20 % et 45 % du volume maximal est généralement confortable pour la plupart des utilisateurs d’appareils audio personnels, et permet un temps d’écoute illimité sans risque. En 2008, le Comité scientifique des risques sanitaires émergents et nouveaux a déterminé que l’utilisation d’un appareil audio personnel à raison de plus d’une heure par jour, à plus de 50 % du volume maximal, pendant moins de cinq ans est associée à l’inhibition des otoémissions acoustiques, à la perte auditive prolongée dans les hautes fréquences et au développement probable d’une PAOB après cinq ans d’utilisation.Dans un article paru en 2020, Swierniak et coll. ont observé que des utilisateurs d’appareils audio personnels âgés de 11 ans comptant environ une heure d’écoute quotidienne à un volume autour de 50 % du réglage maximal déclaraient plus d’acouphènes que les non-utilisateurs.

Un volume sur un réglage d’environ 50 % à 60 % du maximum produit approximativement de 70 à 80 dB (A) (Breinbauer, 2012). De tels niveaux d’exposition sonore peuvent être à la source d’acouphènes, d’hyperacousie et de difficulté à comprendre les paroles en présence de bruits ambiants en l’absence de PAOB, particulièrement chez les enfants et les adolescents (Eggermont, 2013). L’exposition à un volume supérieur à 60 % du réglage maximum accroît les risques encourus. Par rapport aux populations non exposées, le risque estimé de perte auditive chez les travailleurs non protégés âgés de 18 à 65 ans pour différents niveaux d’exposition quotidienne moyenne au bruit est de 1 % à 80 dB (A), de 8 % à 85 dB (A) et de 25 % à 90 dB (A) (NIOSH, 1998). Les personnes et les parents devraient avoir conscience de ces risques afin de pouvoir prendre une décision éclairée au moment de choisir le volume lors de séance d’écoute.

Des études supplémentaires sont nécessaires, en particulier chez les enfants et les adolescents, afin de mieux regrouper les données et permettre d’établir des relations entre l’exposition au bruit et le risque auditif en respectant les mêmes tranches d’âge, les mêmes définitions de la déficience auditive, et en s’appuyant sur des tests sensibles aux dommages précoces dus au bruit, sur les antécédents et le nombre d’années d’exposition, ainsi que sur des critères de santé publique tels que le seuil de risque de PAOB de 70 dB (A) et le seuil d’acuité auditive normale de 20 dB (A) normalement utilisé en audiométrie.

Une écoute récréative sans risque

Les lieux bruyants diffusent souvent de la musique ou une trame sonore amplifiées pour enrichir l’expérience. Les lieux et événements où le niveau sonore dépasse le seuil de risque de PAOB de 70 dB (A) comprennent les restaurants, les réceptions de mariage, les films (y compris les films d’animation et les comédies musicales destinés aux enfants), les bars, les boîtes de nuit, les concerts et les événements sportifs tenus dans des amphithéâtres ou des stades (hockey, baseball, basketball, soccer, football, courses NASCAR, etc.). L’utilisation de protection auditive est plutôt l’exception que la règle, et ce malgré les risques posés par des expositions même brèves et occasionnelles.

Les mesures à prendre pour une écoute sans risque dépendent du lieu et de l’âge de la personne exposée. Elles consistent notamment à éviter les lieux bruyants, à baisser le volume lorsque possible ou à utiliser des dispositifs de protection auditive bien ajustés, tels que des protège-oreilles ou des bouchons d’oreille. Il serait souhaitable que de tels dispositifs de protection soient offerts en contexte récréatif, notamment des dispositifs de protection haute fidélité permettant la perception plus claire de la musique et de la voix, à l’instar des bouchons d’oreille prémoulés ou moulés sur mesure pour musicien (Mayes, 2020). Les prestataires de soins auditifs pourraient se doter d’échantillons de différents types et styles de dispositifs de protection à des fins éducatives.

Nécessité d’une prévention du bruit accrue

La prévention du bruit échappe le plus souvent aux actions individuelles et à l’adoption de comportements d’écoute sans risque. À cet effet, citons l’adoption de lois et de règlements encadrant des normes applicables en matière d’exposition au bruit du public et des populations vulnérables. D’un autre côté, des mesures concrètes de réduction du bruit pourraient comprendre l’imposition obligatoire de limites d’émission de bruit, de normes unifiées pour les fabricants d’appareils audio personnels exigeant des limites de volume plus sûres et des étiquettes ou des panneaux d’avertissement pour informer le public des risques auditifs des produits ou des lieux bruyants pour lesquels une protection auditive est recommandée, offerte ou requise. Il faut tenir compte du bruit extraprofessionnel, en plus de l’exposition au bruit « récréatif ».

Tordrup et coll. (2022) estiment que les programmes de prévention du bruit et le dépistage universel en vue de la détection et de l’intervention précoce pour les personnes d’âge scolaire et les adultes pourraient entraîner retombées économiques et des économies en santé pouvant atteindre 15 $ pour chaque dollar investi.La couverture universelle des appareils de protection auditive n’a pas été prise en compte dans cette étude. Cela dit, les programmes publics de préservation de l’audition et de réduction du bruit ont peu de chance d’avoir les effets escomptés sans intervention, financement et plan d’action du fédéral et sans le soutien des parties prenantes (Shapiro, 1992).

La prévention du bruit est bénéfique pour la société et moins coûteuse que les coûts médicaux et socio-économiques à long terme engendrés par les troubles de l’audition. Sans égard à la cause, la perte auditive est associée à des conséquences négatives, durant toute la vie, sur la cognition, la communication orale, le développement du langage, la santé mentale, l’appréciation de la musique, la localisation du son, la socialisation, l’éducation, la réussite professionnelle et la durée de vie, ainsi qu’à un risque accru de démence (Pienkowski, 2021, Stevenson et al, 2021; OMS, 2020).Les cas de pertes auditives dues à l’exposition au bruit pourraient être prévenus. Il n’est jamais trop tôt, ni trop tard, pour protéger l’audition de l’exposition aux bruits nuisibles et s’assurer ainsi de pouvoir entendre toute la vie.

En savoir plus…
Journée mondiale de l’audition
Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail (CCHST)

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Références:

Breinbauer, H., Anabalon, J.L., Gutierrez, D. & Carcamo, R. (2012). Output capabilities of personal music players and assessment of preferred listening levels of test subjects: Outlining recommendations for preventing music-induced hearing loss. The Laryngoscope, 122(11). https://doi.org/10.1002/lary.23596

Eggermont, J.J. (2013). Noise and the brain: Experience dependent developmental and adult plasticity. Academic Press. https://www.elsevier.com/books/noise-and-the-brain/eggermont/978-0-12-415994-5

Fink, D. & Mayes, J. (2021). Too loud! Non-occupational noise exposure causes hearing loss. Proceedings of Meetings on Acoustics. 43, 040002. https://doi.org/10.1121/2.0001436

Mayes, J. (Winter 2020). Building a Hearing Protection Toolkit, Tinnitus Today, 45(3), 46-47. https://issuu.com/tinnitustoday/docs/tinnitustoday-winter2020-06-email?fr=sNjI1YzEyMDMzMg

Mayes, J. & Fink, D. (2021). Unsafe at any sound: Hearing loss and tinnitus in personal audio system users. Proceedings of Meetings on Acoustics. 43, 040003. https://doi.org/10.1121/2.0001452

National Institute for Occupational Safety and Health. (1998). Criteria for a Recommended Standard: Occupational Noise Exposure. Cincinnati, OH. https://www.cdc.gov/niosh/docs/98-126/pdfs/98-126.pdf

Pienkowski, M. (2021). Loud music and leisure noise is a common cause of chronic hearing loss, tinnitus, and hyperacusis. International Journal of Environmental Research and Public Health, 18(8): 4236. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33923580/

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http://ec.europa.eu/health/ph_risk/committees/04_scenihr/docs/scenihr_o_018.pdf

Shapiro, S.A. (1992). Lessons from a public policy failure: EPA and noise abatement. Ecology Law Quarterly, 19(1), 1-62. https://lawcat.berkeley.edu/record/1114290?ln=en

Statistics Canada (2021). Table: 17-10-0005-01. Population estimates on July 1st, by age. https://www150.statcan.gc.ca/t1/tbl1/en/tv.action?pid=1710000501

Speech-Language & Audiology Canada. (2019). Noise-Induced Hearing Loss Brochure. https://www.sac-oac.ca/professional-resources/resource-library/noise-induced-hearing-loss-brochure

Stevenson, J.S., Clifton, L., Kuzma, E. & Littlejohns, T.J. (2021). Speech-in-noise hearing impairment is associated with an increased risk of incident dementia in 82,039 UK Biobank participants. Alzheimer’s & Dementia. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34288382/

Swierniak, W., Gos, E., Skarzynski, P.H., Czajka, N. & Skarzynski, H. (2020). Personal music players use and other noise hazards among children 11 to 12 years old. Int J. Environ Res Public Health, 17(18): 6934. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32971992

Tordrup, D., Smith, R., Kamenov, K., Bertram, M., Green, N., Chadra, S. & WHO HEAR Group. (2022). Global return on investment and cost-effectiveness of WHO’s HEAR interventions for hearing loss: a modelling study. The Lancet. 10(1), e52-e62. https://doi.org/10.1016/S2214-109X(21)00447-2

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