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Published on 21 janvier, 2014

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Mon séjour en Jamaïque

par Sarah McEwen, M. Sc. cl., O(C), membre OAOO, orthophoniste

Je me suis récemment rendue en Jamaïque avec Étudiants sans frontières. Habituellement une entreprise pilotée par des étudiants, ce fut le premier voyage à inclure une « équipe de traitement » multidisciplinaire, notamment une orthophoniste. Ce fut également ma première expérience d’exercice à l’extérieur du Canada.

Les avantages potentiels de compter sur la présence d’une orthophoniste au sein de l’équipe n’étaient pas à prime abord évidents pour le reste de l’équipe soignante chez les orphelinats que nous avons visités. J’ai travaillé avec les intervenants et les thérapeutes afin d’augmenter leur compréhension de l’acquisition et de la communication du langage, mais j’avais besoin d’exemples concrets pour appuyer les idées que je partageais. Puis j’ai rencontré David.

David était âgé de 20 ans et était atteint de paralysie cérébrale. Ses membres supérieurs et inférieurs étaient touchés par son état et il était non verbal. Dans son fauteuil roulant, il demeurait assis avec un naturel joyeux, quoique effacé. David était hésitant à s’adresser à moi au début mais je devinais qu’il était intrigué lorsque j’ai placé devant lui un tableau d’images.

J’ai examiné les choses que les intervenants de David savaient déjà : qu’il avait un bon langage réceptif, des aptitudes à l’expression limitées et une réponse « oui/non » fiable. J’ai dit à ses intervenants que David pourrait utiliser un tableau de communication pour communiquer avec les autres, mais ils étaient sceptiques. David et moi avons passé quelques heures ensemble, à explorer le tableau que je lui avais offert. Je lui ai parlé de choses qui, à mon avis, pouvaient stimuler son attention; peu de temps après, il a commencé à toucher les mots, un à la fois, en écoutant ma voix alors que j’étiquetais les images. J’ai continué à modéliser son état et il a continué à balayer le tableau du regard, mais je ne savais pas dans quelle mesure David avait appris le « pouvoir » de la communication. J’ai dit à l’un de ses intervenants que j’apporterais le tableau avec moi et que je le ramènerais le lendemain. En entendant cette affirmation, David nous a signalés sa compréhension de la situation en touchant l’image « mien ». Nous avons souri; nous étions à la fois étonnés et ravis.

Communication boards

Les exemplaires des tableaux de communication
 

Le jour suivant, je suis retourné à la résidence. David, un intervenant et moi avons passé la matinée ensemble, à nous adonner à une conversation à l’aide de son tableau de communication et à y ajouter son nouveau vocabulaire personnalisé. Il a fait des blagues et il m’a parlé de son foyer. À ce jour, cela demeure l’une des conversations les plus significatives que j’ai eue.

Avec son tableau de communication en main et un intervenant nouvellement inspiré qui supervisait la scène, j’ai quitté le foyer de David avec bon espoir que cette expérience améliorerait sa qualité de vie et montrerait quelques-uns des avantages de la communication suppléante/alternative (CSA).

La dernière journée de mon séjour en Jamaïque, j’ai eu le privilège d’offrir un atelier aux intervenants de première ligne. Avant le début de notre séance, l’intervenant de David m’a abordée avec un bilan des deux dernières journées, soit :

« Il adore son tableau! Nous lui demandons « Que veux-tu? » et il peut appuyer sur « manger » et nous lui apportons de la nourriture. Puis il appuie sur « merci ». Pouvons-nous obtenir davantage de pareils tableaux pour les autres résidents? »

Sur ce, j’ai modifié le point focal de mon atelier pour aborder la question des outils de CSA. Nous avons parlé de modélisation, de langage assisté, d’offres de possibilités, de vocabulaire et de patience. Nous nous sommes employés ensemble à créer des tableaux de communication simples et manuels qui pouvaient appuyer les résidants non verbaux et j’ai assisté à la transposition de la théorie en idées et en potentiels créatifs. Lorsque cet atelier a pris fin, il a semblé que les intervenants avaient une nouvelle compréhension de la communication. J’étais remplie d’espoir que David et les autres résidants obtiennent une occasion de poser des choix, d’orienter une partie de leurs propres soins et d’instaurer une proximité sociale par le truchement de la communication. Lorsque je suis arrivée en Jamaïque, mon but était d’enseigner aux gens le langage et la communication. Je souhaitais enseigner et partager, mais j’ai plutôt acquis et appris plus que je n’aurais pu l’imaginer. Entendre David échanger ses idées dans le cadre d’une conversation — sans doute, pour la toute première fois — fut une expérience que je ne suis pas près d’oublier.

Un merci tout spécial à Danielle Miller, chez Dynavox, pour son don de tableaux de communication laminés pour ce voyage.
 

Sarah McEwen
Sarah McEwen
M. Sc. cl., O(C), membre OAOO
sdm.slp@gmail.com

À propos de l’auteure :

Mme McEwen apprécie travailler à titre d’orthophoniste auprès des enfants et elle adore voyager. La Jamaïque a jumelé ses deux passions en une aventure merveilleuse. À la maison, à Toronto, ses champs d’exercice portent sur l’autisme, les retards de communication et de langage et l’acquisition de l’alphabétisme chez les enfants.


Légendes des images (dans le sens des aiguilles d’une montre à partir du coin supérieur gauche) :
 
1 : Un manguier grandissant à l’extérieur d’un des orphelinats jamaïcains.
2 : Un régal de noix de coco fraîches à la maison de Devon, à Kingston.
3 : Un travailleur ouvrant la porte du Village pour enfants de Jérusalem dans le quartier espagnol pour laisser passer une fourgonnette.
4 : Un plan aérien des pittoresques Blue Mountains jamaïcaines.
5 : Des canoës qui bordent la baie de Hellshire dans la paroisse de St. Catherine (près de Kingston). 




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