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Published on 9 août, 2013

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Mémoire de recherche : Le syndrome d’Alport

Par Sean Lennox , B. Sc., M. Sc., Membre OAOO, ACA, Aud(C)
 
Le présent article a été republié à partir du numéro d’été 2013 du Communiqué.
 
Remarque : Le présent article a été publié à l’origine lorsque Orthophonie et Audiologie Canada (OAC) portait la dénomination sociale « Association canadienne des orthophonistes et audiologistes (ACOA) ».
 

Le syndrome d’Alport (SA) est une combinaison d’allèles génétiquement hérités qui touche principalement la fonction rénale, l’ouïe et la vue. Les audiologistes devraient posséder une solide maîtrise de ce syndrome pour pouvoir mieux évaluer et gérer les patients qui en sont atteints. Ce syndrome a été découvert par Cecil Alport en 1927. Il a étudié une famille comptant trois générations de défaillance rénale et de pertes auditives et visuelles progressives. Il a également noté que les hommes étaient davantage atteints que les femmes (Kashtan et Michael, 1996).

L’étiologie du SA s’effectue surtout par la transmission d’allèles liés au chromosome X, des parents à la progéniture. Un code d’ADN manquant, épissé ou défaillant dans les gènes du collagène connus comme la famille COL4A mène à une production inadéquate de protéines de membrane basale cruciales à la fonction rénale. Le manque de collagène dûment formé entraîne la lésion des cellules du rein connu comme des glomérules de la membrane basale glomérulaire (MBG) du rein (voir la Figure 1). Au fil du temps, cette lésion peut provoquer une insuffisance rénale en phase terminale (IRPT). Dans le cas de l’ouïe, les gènes bien codés de familles COL4A3, COL4A4 et COL4A5 sont requis pour le bon fonctionnement de la strie vasculaire et de la cochlée (organe de Corti). La production déficiente des protéines du collagène mène à une perte progressive de l’intégrité cochléaire (voir Kashtan et Michael, 1996 pour une lecture approfondie; Musiek et coll., 2012; Northern et Downs, 2002).

L’incidence du SA a été signalée à raison de 1 naissance vivante sur 50 000 (Musiek, Baran, Shinn et Jones, 2012). L’incidence globale du SA est de 1 personne sur 200 000 chez la population d’ensemble (Northern et Downs, 2002), et la prévalence a été évaluée à 0,2 % des personnes avec une IRPT (Haas, 2009; Saxena, 2011).

Les symptômes du SA comprennent ce qui suit :

1. Une hématurie — du sang dans l’urine.
2. Une protéinurie — concentrations excessives de protéines dans l’urine qui indique une piètre réabsorption des protéines par les reins.
3. Une hypertension.
4. Une perte auditive : plus fréquente chez les hommes qui ont hérité du syndrome lié au chromosome X et chez les femmes et les hommes qui ont hérité du trait dominant autosomique.
5. Dégénérescence oculaire / modifications oculaires

(Haas, 2009; Musiek et coll., 2012; Northern et Downs, 2002; Tryggvason et coll., 1997).

Le mode de transmission génétique de ce syndrome dicte comment un patient sera touché par la maladie. Les patients avec une condition récessive liée au chromosome X composent 80 à 85 % de la population des personnes SA. Le gène COL4A5 est négativement touché chez cette population (Haas, 2009). Les hommes sont beaucoup plus touchés étant donné qu’ils ne disposent pas d’un allèle normal sur un chromosome X associé pour stabiliser le trouble (Musiek et coll., 2012). Selon ce mode de transmission, un père touché ne peut transmettre le SA à son fils (Musiek et coll., 2012). La transmission récessive autosomique survient environ 15 % du temps et ce sous-type de SA cible les gènes de familles COL4A3 et COL4A4 (Tryggvason, Heikkila, Perttersson, Tibell et Thorner, 1997). Selon Haas (2009), les symptômes et les troubles connexes sont plus variables pour le SA récessive autosomique; cependant, les hommes sont toujours plus touchés que les femmes. Le SA dominant autosomique est le type le moins fréquent avec une occurrence de 5 %. Fait intéressant, à la fois les femmes et les hommes sont également touchés par le sous-type de SA le plus rare qui soit.

La perte auditive est plus fréquente chez les hommes qui ont hérité du trait lié au chromosome X et chez les femmes et les hommes qui ont hérité du trait dominant autosomique. La perte auditive touche environ 55 % des hommes et 45 % des femmes, et l’âge d’apparition du syndrome est vers 30 ans (Haas, 2009; Kashtan et Michael, 1996; Northern et Downs, 2002; Tryggvason et coll., 1997). La configuration de la perte auditive peut prendre la forme d’une perte d’audition neurosensorielle bilatérale des hautes fréquences entre 2 et 8 KHz (Kashtan et Michael, 1996; Northern et Downs, 2002; Tryggvason et coll., 1997). Une perte de l’audition conductive plate peut être fréquente selon Musiek et coll. (2012).

Le diagnostic différentiel du SA est difficile à établir étant donné qu’une insuffisance rénale et une perte d’audition sont des symptômes couramment associés à de nombreux syndromes (voir le Tableau 1). Le syndrome de Muckle-Wells comprend une insuffisance rénale et une perte d’audition; cependant, les patients atteints de ce trouble subissent également une amylose menant à une matière amylacée dans le sang et à une urticaire qui est une réaction vasculaire de la peau entraînant une démangeaison accrue. La néphropathie de la membrane basale glomérulaire est un malaise de moindre gravité que le SA qui exige une microscopie électronique et une biopsie du rein pour établir la distinction entre ce malaise et le SA. Ce trouble partage des symptômes rénaux semblables : le sang dans l’urine et la protéinurie. En outre, il y a d’autres maladies connexes au SA et celles-ci sont énumérés au Tableau 2.

Le SA est une maladie qui progresse lentement chez la plupart des patients, alors il doit y avoir une audiologie en série et une gestion médicale planifiées. Les médicaments tels que les enzymes de conversion de l’angiotensine (ECA) peuvent être utilisés pour gérer la protéinurie et pour ralentir la sclérose des glomérules (Saxena, 2011). La dialyse est nécessaire une fois que le patient amorce une IRPT et une transplantation rénale éventuelle s’imposera chez de nombreux patients atteints de SA (Kashtan et Michael, 1996). À ce moment-ci, la thérapie génique dans les cas de SA n’est pas disponible (Tryggvason et coll., 1997).

Le pronostic des patients avec un SA diffère selon le sexe. Chez les hommes, l’IRPT est prévisible pour tous les hommes avec un SA lié au chromosome X. La dialyse puis la transplantation rénale deviendront nécessaires. Malheureusement une durée de vie écourtée est à prévoir chez bon nombre d’hommes avec le SA. Les femmes atteintes du même syndrome ont un risque bien moindre d’IRPT et de nécessité d’une transplantation. Une longévité est prévisible pour une majorité de femmes qui font l’objet d’un suivi étroit sur les plans médical et audiologique (Kashtan et Michael, 1996).

Tableau 1. Diagnostic différentiel des cas de SA

Insuffisance rénale avec perte d’audition progressive :
  • Test des séquences de patron mélodique (Musiek et. coll., 1990)
  • Néphropatie de la membrane basale glomérulaire mince. Un malaise de moindre gravité exige une microscopie électronique et une biopsie du rein pour établir la distinction. Ce malaise partage des symptômes semblables : sang dans l’urine et protéinurie (Haas, 2009).
Autres troubles du rein
  • Glomérulonéphrite aiguë post-infection à streptocoques
  • Maladie médullaire kystique
  • Dysplasie rénale multikystique
  • Syndrome ongles-rotules
  • Polykystose rénale (Devarajan, 2011; Haas, 2009).

Tableau 2. Troubles connexes

  • Perte d’audition
  • Dégénérescence oculaire, y compris une modification de la forme de la lentille connue
  • sous le nom de lenticône
  • Exophtalmie bilatérale
  • Ankylose – raideurs articulaires
  • Dysostose crâniofaciale – croissance osseuse anormale du crâne
  • Spina-bifida
  • Nez en lorgnette
  • Brachiocéphalie
  • Atteinte vestibulaire (Haas, 2009).
Ressources

Pour de plus amples renseignements sur le syndrome d’Alport, consultez :

La Fondation canadienne du rein à www.kidney.ca/page.aspx?pid=324
 
L’Alport Syndrome Support Program in Canada à www.alportsyndrome.ca
 
L’Alport Syndrome Foundation à www.alportsyndrome.org
Bibliographie
Davarajan (2011), Pediatric Alport Syndrome, document consulté le 3 septembre 2012 à partir de www.emedicine.medscape.com/article/981126-overview
Haas (2009), Alport Syndrome and Thin Glomerular Basement Membrane Nephropathy, Arch Pathol Lab Med, vol. 133, p. 224-232.
Kashtan et Michael (1996), Alport Syndrome, Kidney International (1996), vol. 50, p. 1445–1463; doi:10.1038/ki.1996.459.
Musiek, Baran, Shinn et Jones (2012), Hereditary and Congenital Hearing Loss, dans Musiek, Baran, Shinn et Jones, réd., Disorders of the Auditory System (2e éd., p. 385-386), San Diego : Plural Publishing.
Northern et Downs (2002), Appendix of Hearing Disorders, dans Julet (réd.), Hearing in Children (5e éd., p. 379), Baltimore : Lipponcott Williams et Wilkins.
Niaudet (2010), Living donor kidney transplantation in patients with hereditary nephropathies, Nature Review Nephrology, vol. 6, p. 736-743.
Saxena, R. (2011), Alport Syndrome Medication, document consulté le 3 septembre 2012 à partir de www.emedicine.medscape.com/article/238260-medication#2
Tryggvason, Heikkila, Perttersson, Tibell et Thorner (1997), Can Alport syndrome be treated by gene therapy?, Kidney International, vol. 51, p. 1493-1499.
 
Légende de l’image : Épissage et amincissement de la MBG du rein chez un homme âgé de 49 ans (extrait de Haas, 2009, p. 230). 
À propos de l’auteur :

Sean Lennox_Portrait

Sean Lennox, B. Sc., M. Sc., Membre OAOO, ACA, Aud(C)

Sean est dévoué à l’application de la recherche en audiologie actuelle à l’exercice privé et il a déjà déployé des examens avancés comme la tympanométrie multifréquences. À titre de diplômé de l’Université de la Colombie-Britannique (UBC), Sean possède de solides antécédents théoriques en examen électrophysiologique et en rééducation auditive. Il a obtenu son doctorat en audiologie à l’Université de la Floride (Gainesville) en septembre 2012.


Si vous avez un mémoire de recherche que vous aimeriez voir faire l’objet d’un article du Communiqué, veuillez nous le faire parvenir à pubs@sac-oac.ca

 




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