50e anniversaire

Published on 17 juin, 2014

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Les troubles de la communication et la méthode scientifique : une mise en garde (1981)

Extrait des Archives d’OAC : Une série rétrospective répartie sur toute l’année

Publication : Hear Here, Vol. V, N0. 1
Date de publication originale : février 1981
Auteur : John H.V. Gilbert

Introduction par : Sharon Halldorson, O(C), et Maureen Penko, O(C)

L’article de John Gilbert paru en en 1981 sous le titre « Rumination » (Réflexion) dans Hear Here offre un rappel tout frais que nous devons user de prudence quand vient le moment d’effectuer nos tests. M. Gilbert illustre ses préoccupations grâce à l’exemple du traitement auditif, qui était une notion relativement nouvelle durant les années 1980. Malgré la recherche considérable sur le thème du cerveau depuis cette époque, l’avertissement de M. Gilbert demeure très pertinent de nos jours. Celui-ci nous rappelle que « Un des problèmes (et donc un piège) d’une vie clinique est que les pairs, les clients et les autres professions sont constamment à la recherche d’un instrument de mesure pour le diagnostic, le pronostic et le traitement. Sans une appréciation des limites de la théorie et des données scientifiques appropriées, les outils disponibles pour fournir pareille mesure sont d’une valeur minime ou nulle. » Il est primordial que nous nous souvenions de ce message. En tant que professionnels, nous devons toujours nous en remettre à notre jugement clinique (fondé sur notre expérience et sur notre connaissance des clients individuels) par rapport aux résultats des tests. C’est ce que nous faisons des données — officielles et officieuses — qui nous permet de planifier des interventions efficaces et bien conçues. M. Gilbert jette sur papier une mise en garde très importante qui mérite toujours une prise en compte de notre part en 2014.


Réflexion

Les dix dernières années ont connu une augmentation quasi exponentielle du nombre et de la variété des tests servant à déterminer l’ampleur et la portée d’un trouble de la communication. Ces tests visent à examiner (par rapport à une norme quelconque) tout élément fonctionnel de la chaîne de la parole, c.-à-d. du cerveau à la langue. Un essor similaire, mais pas aussi vigoureux, est survenu dans les diverses « thérapies » applicables à un trouble : de l’électro-acoustique la plus raffinée pour la cochlée endommagée aux itérations les plus élaborées des grammaires/pragmatiques génératrices pour le cerveau « lésé ». Dans un sens, pareille exagération empirique pourrait être perçue avec fierté, puisqu’elle démontre, dans les faits, que l’audiologie et l’orthophonie se préoccupent de quantifier leurs actions décisionnelles diagnostiques et thérapeutiques; dans l’autre, toutefois, tel empirisme excessif donne lieu à des réticences lorsqu’on s’attarde aux façons dont les gens utilisent la base de données très étroite en psycho-acoustique, en perception de la parole et en linguistique sans en reconnaître pleinement les limitations actuelles.

L’audiologie et l’orthophonie ont besoin d’une réitération constante de leurs fondements scientifiques. Lorsque les théories et les tests reposent sur des corrélations à propos de la chaîne de la parole qu’on présume causales, alors la profession connaît de graves difficultés.

Aujourd’hui, par exemple, les tests de perception du langage (peu importe ce que cette notion peut signifier) sont (et ont été) élaborés pour aider le clinicien à identifier les capacités jugées nécessaires au traitement du langage. Une fois identifiées, pareilles capacités peuvent ensuite, en quelque sorte, être canalisées dans le bon sens (peut-être même grâce au test) pour permettre le traitement du langage.

Mais la vérité est que, essentiellement, nous ne savons pas ce qu’est le traitement du langage ni comment il s’effectue. Les fondements théoriques sur lesquels repose l’élaboration des instruments servant à tester pareilles capacités sont soit trop faibles ou, au mieux, très controversés. Des termes tels que « capacité de la mémoire auditive », « discrimination auditive », « déficit perceptif », etc., sont des expressions vides de sens, compte tenu du fait que nous sommes, pour l’instant, incapables même de séparer de manière satisfaisante la perception phonétique de la perception auditive, ou de déterminer si l’un ou l’autre de ces aspects a bel et bien trait au langage.

Parmi les diverses étapes de l’analyse du langage généralement reconnues, c.-à-d. auditif, phonétique, phonologique, lexical, syntaxique et sémantique, tout ce qui se situe au-delà de l’étape auditive est abstrait, c.-à-d. que chaque étape exige que nous reconnaissions une propriété quelconque qui n’est pas présente dans le signal auditif. Par conséquent, lorsque nous écoutons quelqu’un s’exprimer nous ne pouvons que prévoir la première étape (auditive) qui fonctionne de manière indépendante de toutes les autres. Même nos meilleures conjectures à ce jour ne suffisent pas à résoudre certaines des questions brûlantes à propos de la perception de la parole. Ainsi, nous devons présumer que tout ce qui affirme « tester » des capacités comme la « perception », la « discrimination », etc. PUIS QUI ATTRIBUE UNE CAUSE AUX EFFETS pose un jalon remarquablement éloigné et erroné par rapport aux théories et données actuelles. On ne peut absolument pas affirmer, par exemple, qu’une enfant est atteinte d’un trouble auditif central du simple fait qu’elle performe « mal » à un test sur la discrimination auditive.

J’ai choisi le champ de la perception de la parole pour illustrer ce point, étant donné que la grappe des techniques d’essais et de thérapies comprend semble-t-il à l’heure actuelle une absence de retenues débridée, et largement aléatoire, par rapport aux réalités de leurs fondements scientifiques.

On peut tout aussi facilement illustrer le point en mettant l’accent sur les appareils auditifs et sur notre manque de connaissances vis-à-vis les mécanismes cochléaires. Un des problèmes (et donc un piège) d’une vie clinique est que les pairs, les clients et les autres professions sont constamment à la recherche d’un instrument de mesure pour le diagnostic, le pronostic et le traitement. Sans une appréciation des limites de la théorie et des données scientifiques appropriées, les outils disponibles pour fournir pareille mesure sont d’une valeur minime ou nulle. Une présomption de rapport de causalité, en l’absence d’une étude éclairée des hypothèses de rechange raisonnables, est en fait un postulat erroné. Malheureusement, pareils postulats erronés à propos du rapport de causalité sont constamment tirés des prétendus « tests » de cette fonction perceptuelle-ci ou de cette fonction perceptuelle-là.

Une profession n’a de sens qu’à condition que ses théories et bases de données soient fondées : qu’on travaille dans une clinique ou dans un laboratoire, l’application constante d’une méthode scientifique à pareilles théories et bases de données constitue la seule façon dont nous, en tant que profession, pouvons avancer.

À propos de la série rétrospective :

Pour souligner le 50e anniversaire d’OAC, nous republierons des articles des premiers bulletins et magazines d’OAC tout au long de 2014. Nous republierons les articles dans leur version intégrale, sans en retoucher ni le style ni la grammaire. Sharon Halldorson, O(C), Maureen Penko, O(C), Andrea Richardson-Lipon, AuD, Aud(C), et Jessica Bedford, directrice des communications et du marketing chez OAC, sont les rédactrices en chef de cette série rétrospective répartie sur toute l’année.




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