Les traitements d’investigation actuels de la COVID-19 et leurs conséquences audiologiques
Rodney Taylor, docteur en audiologie, Advanced Studies in Tinnitus and Hyperacusis, certifié par l’American Institute of Balance for Concussion and Vestibular Rehabilitation
Qu’est-ce que la COVID-19?
Les coronavirus font partie d’une assez grande famille de virus qui peuvent causer une maladie dont la gravité varie considérablement. Le premier cas documenté de maladie grave provoquée par un coronavirus est apparu lors de l’épidémie de SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère) qui a eu lieu en chine en 2003. Une autre épidémie a eu lieu en 2012 en Arabie saoudite avec le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (SRMO).
La maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) est une maladie infectieuse provoquée par un coronavirus dont on vient de découvrir l’existence. Le 31 décembre 2019, les autorités chinoises ont alerté l’Organisation mondiale de la santé (OMS) au sujet d’une épidémie d’une nouvelle souche du coronavirus qui entraînait de graves symptômes dans un grand nombre de cas.
La plupart des personnes infectées auront une maladie respiratoire dont les symptômes seront légers ou modérés et se rétabliront sans traitement particulier. Les personnes âgées, les femmes enceintes ou les personnes qui ont un problème de santé sous-jacent comme une maladie cardiovasculaire, du diabète, une maladie respiratoire chronique ou un cancer sont plus susceptibles de développer des symptômes plus graves (OMS, 2020).
La COVID-19 se propage principalement par les gouttelettes de salive ou les sécrétions nasales lorsqu’une personne tousse ou éternue. L’étiquette respiratoire s’avère un important facteur de prévention dans la propagation du virus (OMS, 2020). L’OMS recommande aussi de se protéger en se lavant fréquemment les mains ou en utilisant un désinfectant à base d’alcool et en évitant de se toucher le visage.
Origines
Les origines de la COVID-19 suscitent beaucoup de scepticisme. Selon certains, il pourrait s’agir d’un virus conçu en laboratoire. Le Scripps Research Institute a entrepris une analyse des données publiques sur la séquence génomique du SRAS-CoV-2 et des virus apparentés sans trouver de preuve que le virus ait été fabriqué en laboratoire ou qu’il ait été conçu d’une autre manière. L’analyse a confirmé qu’il était issu d’un processus naturel.
Selon les recherches actuelles, il y a deux possibilités quant à l’origine du virus. La première est que le virus a évolué jusqu’à son état actuel par l’intermédiaire d’un hôte non humain qui s’est propagé aux humains, comme l’ont montré les précédentes épidémies (exposition directe aux civettes dans le cas du SRAS et aux chameaux dans le cas du SRMO). Des chercheurs ont émis l’hypothèse que les chauves-souris sont la source probable, car la souche actuelle est très semblable au coronavirus des chauves-souris. Zhou et coll. (2020) ont découvert que le matériel génétique du coronavirus de la chauve-souris correspond à 96 % à celui qui cause la COVID-19. Toutefois, il n’existe actuellement aucun cas documenté de contact direct entre la chauve-souris et l’homme qui pourrait suggérer que cet hôte a servi d’intermédiaire (nature.com). Le second scénario émet l’hypothèse que le virus a sauté d’un hôte animal à l’homme et a ensuite évolué vers son état pathogène actuel au sein de la population humaine (scipps.edu).
Selon les CDC, la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis n’a encore approuvé aucun médicament pour traiter les patients atteints de la COVID-19. La prise en charge clinique comprend des mesures de prévention et de contrôle des infections, ainsi que des soins de soutien pouvant inclure l’apport en oxygène et la ventilation mécanique si cela s’avère nécessaire. À l’heure actuelle, un certain nombre de médicaments approuvés pour d’autres maladies, en plus de plusieurs médicaments expérimentaux, sont étudiés dans le monde entier (cdc.gov).
Interventions thérapeutiques
Des médicaments qui tuent la COVID-19 pourraient sauver la vie des personnes touchées et servir à titre prophylactique pour protéger les travailleurs de la santé exposés au virus ou d’autres personnes qui présentent plus de risques d’être infectés. L’OMS se concentre sur les quatre traitements pharmaceutiques les plus prometteurs.
Remdesivir, un composé antiviral expérimental, est un médicament intraveineux qui présente de grandes propriétés antivirales et qui inhibe la reproduction virale en affectant la transcription de l’ARN. Il présente une activité in vitro contre le SRAC-CoV-2, de même qu’une activité in vitro et in vivo contre les bêtacoronavirus apparentés (Wang et coll., 2020 ; Sheahan et coll., 2020, et Sheahan, 2017; Lo et coll., 2017). Au Congo, le remdesivir a été utilisé lors de l’épidémie d’Ebola en conjonction avec trois autres traitements, mais cela n’a pas eu beaucoup d’effets (sciencemag.org). Les autorités sanitaires congolaises ont annoncé, plus tard, qu’il était nettement moins efficace que d’autres traitements. L’enzyme qu’il cible est similaire à celui d’autres virus et, grâce à des études menées en éprouvettes et sur des animaux, des chercheurs de l’Université de Caroline du Nord ont découvert qu’il était efficace pour inhiber le coronavirus qui provoque le SRAS et le SRMO (sciencemag.org). Dans deux cas documentés, le remdesivir s’est avéré efficace pour traiter un jeune homme de Washington lorsque ses symptômes se sont aggravés et un autre patient de la Californie dont on ne s’attendait pas à ce qu’il survive. Cependant, cela ne prouve pas que le médicament soit sûr et efficace. Jiange Shibo, un virologue de l’Université de Fudan qui a concentré ses travaux sur les interventions thérapeutiques contre le coronavirus, a émis l’hypothèse qu’il est le plus susceptible d’être utilisé auprès des patients et que de fortes doses du médicament n’entraîneraient pas des niveaux de toxicité dans le corps (nature.com).
Certains ont suggéré que le remdesivir pourrait être efficace lorsqu’administré au début de l’infection. L’efficacité clinique est toutefois remise en question, car son administration à des personnes qui présentent des symptômes légers est coûteuse. Un chercheur de l’Université de l’Iowa, Stanley Perlman, a pour sa part émis l’hypothèse que 85 % des gens n’ont pas besoin de ce médicament.
Dans les régions où il n’y a pas d’essais cliniques, les médecins se limitent à l’administrer uniquement pour des raisons humanitaires (cdc.gov).
Le lopinavir, le ritonavir et l’interféron-bêta peuvent contribuer à inhiber certains virus (sciencemag.org). Can et coll. (2020) ont découvert que l’administration du lopinavir-ritonavir n’avait démontré aucun bienfait pour traiter les patients hospitalisés qui avaient une pneumonie. Il faudra pousser plus loin les recherches pour évaluer la véritable efficacité de ce traitement.
Les chercheurs s’interrogent sur les taux relativement faibles de transmission de la COVID-19 dans des endroits spécifiques d’Afrique où les médicaments antipaludiques sont couramment utilisés.
L’hydroxychoroquine et la chloroquine sont des médicaments oraux qui, en règle générale, sont utilisés pour le traitement de la malaria et de certaines maladies inflammatoires. Plus précisément, la chloroquine a été utilisée pour traiter la malaria et pour la chimioprophylaxie. L’hydroxychoroquine, quant à elle, sert au traitement de la polyarthrite rhumatoïde, du lupus érythémateux systémique et de la porphyrie cutanée tardive. Ils sont tous deux considérés comme ayant une activité in vitro contre le SARS-CoV, le SARS-CoV-2 et d’autres coronavirus, bien qu’il semble que l’hydroxychloroquine soit relativement plus puissante contre le SARS-CoV-2 (Wang et coll., 2020 ; Colson et coll., 2020 ; Yao, 2020). Des études de cultures cellulaires ont laissé entrevoir la possibilité que la chloroquine présente certains bienfaits contre le SRAS-CoV-2, mais que le dosage nécessaire est élevé et peut donner lieu à de graves toxicités (sciencemag.org). Gautret et coll. ont rapporté que l’hydrochloriquine administrée seule ou en conjonction avec l’azithromycine réduisait la capacité de détecter l’ARN du SRAS-CoV-2 dans les échantillons des voies respiratoires supérieures par rapport à un groupe témoin non aléatoire. Les auteurs n’ont toutefois pas évalué les avantages cliniques.
Une récente étude chinoise a suggéré que le traitement à la chloroquine des patients atteints de la COVID-19 présente des avantages cliniques et virologiques en comparaison avec un groupe témoin. Par conséquent, la chloroquine a été recommandée comme antiviral pour le traitement de la COVID-19 en Chine (Gao, 2020). Le chercheur a indiqué qu’il s’agit d’un médicament sûr et bon marché qui est utilisé depuis 70 ans et que, à la lumière des demandes cliniques urgentes, il a recommandé son utilisation dans le traitement de la pneumonie associée à la COVID-19. Sur la base des résultats de cette étude et des données limitées d’études in vitro et anecdotiques, l’hydroxychloroquine est devenue la norme pour le traitement des patients hospitalisés en raison de la COVID-19 dans plusieurs pays à travers le monde.
Les effets secondaires de l’hydroxychloroquine et de l’azithromycine sont bien documentés et connus, notamment leur cardiotoxicité et leur ototoxicité en cas d’utilisation prolongée. Il n’est pas recommandé de les administrer aux personnes souffrant de dysfonctionnement rénal ou d’immunosuppression. Leur utilisation semble être bien tolérée par les personnes ayant reçu un diagnostic de COVID-19 (cdc.org).
L’efficacité de l’hydrochloroquine comme option thérapeutique est actuellement étudiée dans le cadre d’essais cliniques pour la prophylaxie préexposition et postexposition du SARS-CoV-2 et pour le traitement des patients présentant des symptômes de la COVID-19 allant de légers à graves. En attendant que ces études soient terminées, l’on manque de directives cliniques concernant l’utilisation, le dosage ou la durée de l’intervention pharmacologique.
En quoi consistent l’ototoxicité et la vestibulotoxicité?
L’ototoxicité est un effet physiologique à l’intérieur de l’oreille interne résultant de l’exposition à des produits pharmaceutiques. L’apparition et le degré des effets sur l’oreille interne sont directement liés aux médicaments en cause, en plus d’autres facteurs tels que la prédisposition héréditaire. L’effet de certains médicaments est souvent temporaire, mais peut également causer des dommages permanents aux structures de l’oreille, ce qui peut entraîner une perte auditive, des acouphènes, une hyperacousie ou des problèmes d’équilibre. La grande majorité des personnes vivront une ototoxicité temporaire ou réversible qui n’a donc pas d’effet durable.
La cochléotoxicité peut entraîner une perte auditive et des acouphènes (ou une aggravation des acouphènes) et résulte d’une interaction complexe des fluides à l’intérieur de la cochlée, ce qui affecte les teneurs en potassium qui maintiennent l’équilibre des fluides du système cochléaire. Des niveaux anormaux de potassium peuvent causer des dommages aux cellules sensorielles internes et externes et à la strie vasculaire à l’intérieur de l’organe de l’ouïe. L’ototoxicité peut aussi causer des dommages au nerf vestibulo-cochléaire, lesquels peuvent affecter les canaux semi-circulaires (organe de l’équilibre) ou la branche vestibulaire du nerf vestibulo-cochléaire.
Votre audition et votre équilibre sont-ils menacés?
Le phosphate de chloroquine est bien connu pour provoquer une ototoxicité temporaire qui peut affecter l’audition et entraîner des acouphènes, en particulier lorsqu’il est administré à fortes doses. Les produits à base de quinine peuvent également causer des problèmes temporaires d’équilibre. Une fois que l’on cesse d’administrer de la chloroquine, l’ototoxicité et les symptômes audiologiques disparaissent habituellement.
Je n’ai trouvé aucune donnée connue concernant le remdesivir et l’ototoxicité ou la vestibulotoxicité. Quoi qu’il en soit, il ne semble pas s’agir d’une intervention thérapeutique largement utilisée.
L’azithromycine provoque rarement une ototoxicité. Quelques rapports ont montré que l’ototoxicité induite par l’azithromycine est le résultat d’un traitement prolongé à fortes doses chez des patients atteints du syndrome d’immunodéficience acquise, ce qui a entraîné un trouble auditif sensoriel réversible.
L’utilisation clinique des médicaments mentionnés précédemment laisse clairement entendre que des symptômes audiologiques comme la perte auditive, les acouphènes ou les problèmes d’équilibre peuvent survenir lors d’un traitement, mais que ces symptômes devraient être temporaires et de courte durée.
Les professionnels de la santé se précipitent pour trouver des interventions qui réduisent ou qui allègent les symptômes des personnes touchées. Les traitements au plasma de convalescents sont actuellement à l’étude dans des quartiers difficiles de New York. Il s’agit de prélever le sang de patients guéris de la COVID-19 et d’injecter le plasma aux personnes qui luttent contre l’infection virale. Dans une étude de l’OMS menée en 2014, on constate que ce traitement a connu un certain succès pour divers modèles de la maladie à virus Ebola (OMS). Comme les traitements et les prophylaxies évoluent au fil du temps, il faut tenir compte de plusieurs facteurs quant à leurs effets sur les systèmes auditifs et de l’équilibre, comme les facteurs de comorbidité, l’utilisation de composés pharmaceutiques ototoxiques ou vestibulo-toxiques et bien d’autres. Il est important que les cliniciens se tiennent au courant des derniers travaux novateurs réalisés pour lutter contre la COVID-19 afin de mieux éduquer nos patients et traiter leurs symptômes audiologiques connexes.
Références
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