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Published on 14 mars, 2018

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Le trouble développemental du langage : Pourquoi vous devriez ajouter le TDL à votre vocabulaire

Par Alex Rice

 

LE PROBLÈME

Selon les estimations, environ 7 à 10 % des enfants qui commencent l’école ont un trouble du langage de cause inconnue (Norbury et al., 2016; Tomblin, 1997). En règle générale, cela correspond à environ deux enfants par salle de classe. Malgré l’incidence élevée, le public connaît peu les troubles du langage. Bien que les caractéristiques du trouble du spectre de l’autisme, du trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité et de la dyslexie soient devenues des connaissances courantes, la plupart des personnes connaissent toujours très peu, voire pas du tout, les troubles du langage chez les enfants.

Alors, pourquoi y a-t-il une connaissance aussi limitée des troubles du langage? Même si de multiples facteurs entrent en jeu, la terminologie est le principal obstacle aux efforts de sensibilisation. Au Canada et ailleurs, les termes trouble développemental du langage (TDL), trouble spécifique du langage (TSL), retard de langage, trouble d’apprentissage du langage et d’autres sont utilisés de manière interchangeable pour décrire les mêmes problèmes de langage chez les enfants. Les divers termes utilisés pour désigner ces phénomènes freinent la sensibilisation. Simplement dit, comment pouvez-vous faire mieux connaître un trouble qui n’est pas appelé systématiquement de la même façon?

LA SOLUTION

Un projet récent appelé CATALISE a réuni un groupe d’experts — y compris des orthophonistes, des psychologues et des enseignants — pour en arriver à un consensus sur l’étiquette à utiliser pour décrire les problèmes de langage chez les enfants. Ces experts ont utilisé une méthode systématique appelée technique d’enquête Delphi pour examiner le potentiel de chaque terme proposé comme étiquette servant à poser un diagnostic clinique. Durant cette enquête, les avantages et les inconvénients ont été mis au jour pour chaque appellation potentielle. Le groupe d’experts en est éventuellement arrivé au consensus que trouble développemental du langage (TDL) était la meilleure solution terminologique. Les efforts tels que la campagne Raising Awareness of Developmental Language Disorders (RADLD) du Royaume-Uni ont depuis adopté l’utilisation de TDL comme terminologie courante dans le but d’accélérer les efforts de sensibilisation.

Pour une explication approfondie du projet CATALISE, veuillez visionner la vidéo de la RADLD Developmental Language Disorder (DLD): The Consensus Explained.

LES OBSTACLES

Le but de la campagne RADLD était de promouvoir l’utilisation de trouble développemental du langage (TDL) comme appellation universelle pour les troubles du langage chez les enfants. Une terminologie commune pour les troubles du langage, qu’on attend depuis longtemps, avantagera les clients à bien des égards. Dans l’exercice, cependant, convaincre toute une profession de modifier sa terminologie n’est pas une mince affaire. Puisque le terme TDL est nouveau pour beaucoup de cliniciens, certains peuvent éprouver des préoccupations ou de la confusion quant à ses mérites par rapport aux autres étiquettes. La prochaine section traite de quelques-unes des préoccupations que les cliniciens peuvent avoir à propos de l’intégration de TDL à leur vocabulaire professionnel.

1) Quelle est précisément la définition du TDL? Est-ce la même que pour le TSL?

Trouble développemental du langage (TDL) est une nouvelle étiquette visant à remplacer les termes trouble spécifique du langage (TSL), trouble d’apprentissage du langage et retard de langage. Les experts qui ont participé au groupe CATALISE ont défini le TDL comme l’ensemble des problèmes de langage qui dressent des obstacles à la communication ou à l’apprentissage au quotidien. Pour constituer un TDL, ces problèmes doivent être peu portés à se résorber d’eux-mêmes et ils doivent ne pas être associés à une condition biomédicale connue (Bishop et al., 2017). Si le trouble de langage chez l’enfant est associé à une condition biomédicale connue, on utilise plutôt l’étiquette « trouble du langage associé à [nom de la condition] ».

2) Pourquoi mettons-nous tellement l’accent sur l’attribution d’étiquettes aux enfants?

Les mérites de l’étiquetage ont été débattus à profusion parmi les professionnels. Dans les domaines de la santé mentale et des handicaps, beaucoup de professionnels s’inquiètent que l’étiquetage ne mène à de la stigmatisation et à une faible estime de soi. Malgré ces préoccupations, l’utilisation d’étiquettes est maintenant pratique courante. Dans certains cas, une étiquette est nécessaire pour qu’un client puisse accéder aux ressources et aux soutiens disponibles.

Les résultats positifs de l’étiquetage comprennent une communication améliorée parmi les professionnels et une sensibilisation accrue parmi le grand public. On a également laissé entendre que les étiquettes peuvent avoir des effets bénéfiques sur l’estime de soi et réduire la stigmatisation dans certains cas (Lauchlan et Boyle, 2007). Beaucoup de clients sont soulagés de recevoir une étiquette parce que celle-ci explique les difficultés qu’ils ont vécues. La présence d’une étiquette aide également les enseignants et les pairs à comprendre le comportement d’un enfant, ce qui peut contribuer à l’acceptation de l’enfant dans la salle de classe.

3) Pourquoi choisir de le qualifier de « trouble »?

Dans le cadre du projet CATALISE, les membres du groupe d’experts ont exprimé une préoccupation avec le mot « trouble » étant donné que, selon eux, il était associé à une stigmatisation négative. Cependant, d’autres ont allégué que les mots comme déficience ou retard ne cernent pas la gravité du trouble. Au moment de discuter des troubles du langage, nous devons nous efforcer de ne pas sous-entendre que l’enfant puisse simplement grandir et dépasser le trouble, ou que ce n’est pas important. La recherche montre que les enfants ayant le TDL sont peu portés à transcender leurs difficultés sans une intervention (Stothard et al., 1998).

Le mot « trouble » a l’avantage d’être conséquent avec les autres diagnostics neurodéveloppementaux comme le trouble du spectre de l’autisme et le trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité. Il est également conforme au terme « trouble du langage » du DSM-5, avec une terminologie prévue pour la Classification internationale des maladies (CIM) 11. Être conséquent avec ces systèmes de classifications bien établis fera ressortir l’importance du TDL comme un terme et améliorera la communication parmi les professionnels.

Le terme trouble développemental du langage (TDL) a été sélectionné par suite d’une vaste discussion parmi une équipe de professionnels. Même s’il peut y avoir des inconvénients à utiliser le mot « trouble », les avantages d’inclure le mot ont, en fin de compte, été pensés de manière à faire contrepoids à ces inconvénients. Il est également important de noter que, tout au long des discussions du projet CATALISE, aucun terme n’a été jugé parfait (Bishop et al., 2017). Durant les discussions, les membres du groupe d’experts ont formulé des critiques à propos de chacun des termes proposés. En conclusion, le TDL peut ne pas être le terme parfait, mais il constitue la meilleure solution dont nous disposons.

PROCHAINES ÉTAPES

Le manque de sensibilisation du public au terme trouble développemental du langage (TDL) est un problème en soi. La piètre sensibilisation signifie que les enfants ayant le TDL ont moins de chances d’être identifiés de manière précoce, ont moins de soutiens communautaires à leur disposition et reçoivent moins d’attention et de financement dans le monde de la recherche. Avec le projet CATALISE et son choix dûment réfléchi de TDL à titre de nouveau terme, nous avons une occasion stimulante d’installer une appellation universellement reconnue pour les troubles du langage. Disposer d’une terminologie uniformisée aidera le public à comprendre le TDL et à mettre les clients en lien avec le soutien dont ils ont besoin. Dorénavant, les efforts doivent continuer de renseigner les cliniciens à propos du terme TDL et les encourager à l’intégrer à leur vocabulaire. C’est maintenant plus que jamais notre chance de collaborer à l’utilisation d’un langage courant pour parler du TDL et le faire connaître!

Pour aider à expliquer la terminologie du TDL à vos amis, collègues et clients, assurez-vous de partager la vidéo de la campagne RADLD DLD 1-2-3!

 


Références :

Bishop, D. V. M., Snowling, M. J., Thompson, P. A., Greenhalgh, T. et le consortium CATALISE‐2, Adams, C., House, A. (2017). Phase 2 of CATALISE: a multinational and multidisciplinary Delphi consensus study of problems with language development: Terminology. Journal of Child Psychology and Psychiatry, and Allied Disciplines58(10), 1068–1080.

Ebbels, S. (s.d.). International consensus on diagnosis for children with problems with language development. Repéré à http://naplic.org.uk/sites/default/files/Summary%20of%20CATALISE%20%28v3%29.pdf

Lauchlan, F. et Boyle, C. (2007). Is the use of labels in special education helpful? Support for Learning, 22(1), 36–42.

Norbury, C. F., Gooch, D., Wray, C., Baird, G., Charman, T., Simonoff, E., … Pickles, A. (2016). The impact of nonverbal ability on prevalence and clinical presentation of language disorder: evidence from a population study. Journal of Child Psychology and Psychiatry, and Allied Disciplines57(11), 1247–1257.

Tomblin, J.B., Records, N.L., Buckwalter, P., Zhang, X., Smith, E. et O’Brien, M. (1997). Prevalence of specific language impairment in kindergarten children. Journal of Speech and Hearing Research, 40, 1245–1260.

Stothard, S.E., Snowling, M.J., Bishop, D.V.M., Chipchase, B.B. et Kaplan, C.A. (1998). Language-impaired preschoolers a follow-up into adolescence. Journal of Speech, Language, and Hearing Research, 41, 407–418.


À propos de l’auteure :

picture-alex-riceAlex Rice est une étudiante diplômée qui en est à sa dernière année du programme d’orthophonie à l’Université Western. Avant d’entreprendre ses études à Western, Alex a achevé un diplôme de Baccalauréat ès Sciences à l’Université McMaster, où elle s’est spécialisée en Biologie et en Psychologie. Elle est actuellement bénévole à titre de représentante du Conseil étudiant de Western auprès d’OAC et de l’OSLA.

Ce billet de blogue a été écrit sous la direction de la Dre Lisa Archibald et a été présenté comme projet final du cours d’études supérieures Developmental Language Disorders 2 du programme d’orthophonie à l’Université Western. Vous pouvez visualiser plus de projets finaux pour ce cours à http://www.uwo.ca/fhs/lwm/teaching/dld2.html; et en apprendre davantage à propos du cours, en suivant #WesternDLD2 et @larchiba6 sur Twitter.

 




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