Le Programme StimuLER : l’appui du développement du langage chez les enfants réfugiés
Légende de l’image de l’article de fond : Andrea Macleod et Sabah Meziane dirigent un atelier de formation au développement du langage chez les enfants réfugiés pour enseignants travaillant auprès de réfugiés syriens.
Par Riana Topan
Au cours des derniers mois, l’afflux de réfugiés syriens au Canada a motivé beaucoup de personnes de partout au pays à se demander ce qu’elles pouvaient faire pour aider. En novembre 2015, l’Administratrice-universitaire d’OAC Andrea MacLeod, Ph. D., a été abordée par l’une de ses étudiantes et collègue orthophoniste, Sabah Meziane. Sabah a suggéré que Mme MacLeod et elle travaillent ensemble à mettre au point un projet de stimulation du langage. Peu de temps après, elles ont lancé le Programme StimuLER (STIMUlation du Langage des Enfants Réfugiés) pour appuyer les enfants réfugiés provenant de la Syrie. Le programme aide les enfants réfugiés à apprendre une langue seconde — l’anglais ou le français — tout en conservant leur langue maternelle. En mai 2016, le Programme StimuLER a mérité un prix de la Muslim Association of Canada en reconnaissance de son travail d’accueil des Syriens au Canada.
Pour en apprendre davantage à propos du programme StimuLER, j’ai bavardé avec Mmes MacLeod et Meziane, qui développent le programme à partir du laboratoire de recherche de Mme MacLeod, au sein de l’École d’orthophonie et d’audiologie de l’Université de Montréal. Nous avons parlé du rôle que les orthophonistes, les enseignants, les parents et les autres intervenants peuvent jouer pour aider les enfants réfugiés à s’adapter à la vie au Canada sans perdre leur langue maternelle, ce qui représente souvent un pont important avec leur culture. Lisez davantage pour en apprendre sur la genèse du programme, ses buts à atteindre et la participation qu’elles souhaitent inspirer par leur travail chez les autres orthophonistes.
Une idée est née
Mmes MacLeod et Meziane ont commencé à travailler à ce programme peu après avoir pris conscience que le Canada allait accueillir des réfugiés au pays et que Montréal serait l’un des principaux lieux d’accueil. « J’ai personnellement réfléchi à ce que je pourrais faire pour aider », a dit Mme Meziane, en expliquant qu’elle voulait expressément aider les jeunes enfants à leur arrivée au Canada. L’idée du Programme StimuLER est née lorsqu’elle s’est rendu compte que beaucoup des enfants provenant de la Syrie n’avaient peut-être pas fréquenté l’école, et qu’ils auraient besoin d’un programme d’acquisition du langage une fois arrivés en sol canadien. Combler ce besoin, semble-t-il, était la meilleure façon pour les orthophonistes de leur venir en aide.
Les observations de Mme MacLeod ont confirmé l’écart dans les programmes existants. Elle a remarqué que même s’il y a souvent des activités d’anglais ou français langue seconde prévues pour les enfants d’âge scolaire, les enfants d’âge préscolaire n’ont habituellement pas accès aux mêmes outils d’intégration. Mme MacLeod a fait ressortir l’importance du bilinguisme chez les réfugiés. « Posséder de solides capacités dans leur langue maternelle est important et, compte tenu de toutes les autres sources de tensions auxquelles ils sont confrontés, ils n’ont pas besoin de perdre ces habiletés aussi. » Mme MacLeod a expliqué que le Programme StimuLER facilite aussi la transition des parents, qui souhaitent que leurs enfants apprennent l’anglais ou le français mais ne peuvent eux-mêmes leur enseigner ces langues.
Mobilisation des autres orthophonistes
Après le lancement du Programme StimuLER, une des premières mesures que Mmes Meziane et MacLeod ont prises a été d’écrire des lettres aux politiciens de tous les ordres de gouvernement au sujet du rôle de l’orthophoniste en matière d’appui aux réfugiés syriens entrants. Quelques-uns de ces membres de la classe politique — notamment des représentants du bureau de Mélanie Joly, Ministre du Patrimoine canadien et députée d’Ahuntsic-Cartierville — ont répondu pour exprimer leur appui au Programme StimuLER. Puis, à la mi-février, Mmes Meziane et MacLeod ont commencé à organiser des groupes de stimulation du langage hebdomadaires pour enfants et parents. Elles espèrent étendre le programme, en recrutant d’autres orthophonistes et étudiants en orthophonie qui peuvent aider à diriger les groupes à Montréal. L’OOAQ a annoncé que la participation à ce programme donnera droit à des crédits de perfectionnement professionnel pour les orthophonistes. Les audiologistes de Montréal ont également exprimé leur intérêt à participer, en offrant des dépistages des troubles auditifs aux enfants.
Alors qu’elle discutait de ses objectifs pour le programme, Mme MacLeod a mentionné qu’elle souhaitait encourager les autres orthophonistes à se mobiliser pour en apprendre davantage à propos du Programme StimuLER. « Je constate que les orthophonistes ont un rôle à jouer dans l’accueil des familles au Canada et qu’ils peuvent offrir du soutien à la prévention des problèmes avant qu’ils ne surgissent, plutôt que de mettre l’accent sur l’identification de ceux existants, comme nous le faisons habituellement. » Elle et Mme Meziane aimeraient beaucoup voir les orthophonistes des autres villes canadiennes exploiter leurs propres groupes de stimulation locaux et s’engagent volontiers à partager les ressources qu’elles ont mises au point et les leçons qu’elles ont apprises.
Une étudiante en orthophonie de l’Université
de Montréal effectue du bénévolat auprès
d’enfants réfugiés dans le cadre du
Programme StimuLER.
Le duo planche aussi actuellement sur le site Web du programme (www.StimuLER.ca), qui hébergera des renseignements et des ressources à l’intention des orthophonistes, des enseignants, des parents et des autres intervenants à l’appui du développement du langage chez les enfants réfugiés. Les ressources seront disponibles en anglais, en français et en arabe, et elles traiteront des sujets du bilinguisme dans un contexte d’aide aux réfugiés, du développement du langage chez les enfants réfugiés et d’une vue d’ensemble du programme Stimu-LER. Mmes Meziane et MacLeod prévoient continuer d’ajouter à cette compilation de ressources au fil du temps.
Mmes MacLeod et Meziane souhaitent que le site Web et que la page Facebook du Programme StimuLER deviennent un forum où les orthophonistes et les autres intervenants pourront partager leurs idées et leurs expériences afin d’appuyer le développement des deux langues chez les enfants réfugiés syriens. Elles encouragent parents, familles et membres de la collectivité à joindre la conversation aussi, pour que nous puissions renforcer notre capacité d’appuyer tous les réfugiés qui arrivent au Canada. « Le programme est en fin de compte destiné aux réfugiés syriens mais il est adaptable aux autres réfugiés aussi », souligne Mme Meziane. « La Syrie défraie beaucoup les manchettes en ce moment mais il serait très utile de mettre en place un programme qu’on pourrait partager et améliorer pour aider les autres communautés de personnes réfugiées. »
Une œuvre en chantier
Pour Mmes MacLeod et Meziane, l’une des découvertes les plus étonnantes qu’elles ont faite est le peu de connaissances que nous avons à propos du développement du langage chez les enfants réfugiés en général. Même si beaucoup d’orthophonistes mettent l’accent sur la prévention des troubles et sur la stimulation du langage, il existe peu de recherches sur l’adaptation des techniques aux différents contextes culturels et sur les services destinés à cette population particulièrement vulnérable. L’absence de renseignements accessibles sur le sujet de l’appui au développement du langage chez les enfants réfugiés est le motif même qui explique le grand potentiel du Programme StimuLER. C’est une question d’instaurer un système avéré qui tire profit du rôle préventif des orthophonistes tout en respectant les situations difficiles auxquelles les enfants réfugiés ont survécu.
Par ailleurs, l’un des principaux objectifs du programme est de faire connaître le fait que devenir Canadien ne veut pas dire ne parler que l’anglais ou le français. « La réalité est que vous n’avez pas à délaisser votre langue maternelle et il y a beaucoup d’avantages à conserver de solides compétences dans une langue première tout en en maîtrisant une seconde », a expliqué Mme MacLeod. Les parents syriens sont soulagés de découvrir que leurs enfants peuvent apprendre l’anglais ou le français langue seconde sans renoncer leur langue maternelle.
Les groupes de stimulation du langage sont toujours une œuvre en chantier, mais Mmes MacLeod et Meziane en voient déjà l’utilité. Les enfants d’âge préscolaire qui ne sont pas admissibles aux classes d’anglais langue seconde ou de français langue seconde traditionnelles ont été très heureuses de participer au programme. Et, peu de temps après le début des rencontres, une école privée arménienne a communiqué avec Mme Meziane, vu qu’on y recense désormais un grand nombre d’étudiants réfugiés syriens d’origine arménienne et que ces étudiants sont intéressés à en apprendre davantage sur l’appui au développement des deux langues chez les nouveaux étudiants.
Bien que le programme StimuLER en soit toujours à ses balbutiements, Mmes MacLeod et Meziane ont bon espoir dans sa capacité d’aider les enfants réfugiés. Elles croient à l’importance du développement des deux langues et à une collaboration avec les autres orthophonistes pour partager intuitions, idées et informations sur la façon de mieux adapter les techniques de prévention et de traitement aux différents contextes culturels.
Si vous souhaitez appuyer les groupes de stimulation à Montréal ou démarrer votre propre programme, veuillez communiquer avec Mmes Meziane et MacLeod à Stimu-LER@hotmail.com.
À propos de l’auteure :
Riana Topan s’est jointe à OAC en 2012 à titre d’Adjointe aux communications, pour travailler à nos communications électroniques, à notre site Web et à notre Programme des prix et de la reconnaissance. Après deux années et demie de services exemplaires, Riana a été promue Spécialiste des communications (par intérim) en 2015. À ce moment-là, elle a aussi assumé la gestion du Communiqué. Maintenant, nous sommes heureux d’annoncer que le travail acharné et l’impressionnant curriculum vitae de Riana lui ont permis d’accéder à un stage auprès de la Fondation Aga Khan, en Ouganda. Nous sommes tristes de voir Riana partir, mais si fiers de ses réalisations.