La lésion cérébrale acquise — Point de vue d’une orthophoniste
L’histoire de Kate Woods
Par Mary-Ellen Thompson, CCC-O, O(C), Membre OAOO Le présent article a été republié à partir du numéro d’été 2013 du Communiqué. Remarque : Le présent article a été publié à l’origine lorsque Orthophonie et Audiologie Canada (OAC) portait la dénomination sociale « Association canadienne des orthophonistes et audiologistes (ACOA) ».Au cours des 13 dernières années, ma vie en tant qu’orthophoniste a été enrichie par les défis d’offrir des services à une cliente fabuleuse : Kaitlyn Woods.
Kate a été blessée en 1999 à l’âge de quatre ans. Elle a été dans le coma pendant plus d’un mois. Elle est rentrée chez elle après avoir passé quatre mois à l’établissement de soins actifs et au centre de réadaptation pour patients hospitalisés de Toronto. Le pronostic de Kate était très réservé.
J’ai d’abord rencontré Kate en novembre de la même année, alors qu’elle venait de revenir à la maison après son congé de l’hôpital. Elle ne parlait pas et elle devait ramper pour se déplacer dans sa maison. Elle était une petite fille très déterminée et aussi très rapide! Sa mère et moi avons rapidement pris conscience que si on asseyait la petite sur une chaise, elle ne pourrait échapper à notre vigilance. Kate et moi avons consacré de nombreuses heures à la table de la salle à dîner. Elle a appris à parler à nouveau mais son discours était plutôt inintelligible en raison d’une grave dysarthrie ataxique. Je me suis vite rendu compte du potentiel qu’elle présentait. C’était le début du défi du travail avec Kate, une enfant avec intelligence moyenne, lésion cérébrale acquise (LCA), dysarthrie grave et intelligibilité limitée de la parole (> 20 %).
Kate est retournée à l’école très graduellement, d’abord avec son déambulateur puis, après de nombreuses années, avec le port d’un casque protecteur. Dans le système scolaire, nous avons rencontré bon nombre d’enseignants au cœur d’or mais c’était difficile d’enseigner à cette enfant à l’intelligibilité limitée de la parole, au temps de réponse lent et au contrôle moteur déficient. C’était encore plus difficile d’évaluer avec précision une enfant comme Kate. Elle était souvent placée dans des groupes scolaires inférieurs étant donné que très peu de gens comprenaient ce qu’elle disait ou ce qu’elle écrivait. Même en 8e année, l’intelligibilité de la parole que présentait Kate n’était que de 50 % mais l’enfant réussissait sur le plan scolaire. Pourtant, il lui était difficile d’établir des amitiés durables. Certains élèves exprimaient franchement de la jalousie puisqu’ils estimaient qu’elle recevait trop d’attention — auraient-ils vraiment voulu changer de places avec Kate?
Lorsque Kate a débuté l’école secondaire en 2008, nous avons élaboré un exposé pour ses enseignants et l’école. Dans l’exposé, Kate a expliqué comment les autres peuvent bien communiquer avec elle pour augmenter ses chances de réussir.
En 9e année, elle était entourée d’une équipe de réadaptation, qui comprenait une ergothérapeute, une orthophoniste, une neuropsychologue et une travailleuse de soutien en réadaptation (TSR). Lisanne Mitts, à titre de TSR, et moi-même, à titre d’orthophoniste, avons assuré une constante tout au long de ses années au secondaire. L’ergothérapeute originale a maintenant pris sa retraite et la nouvelle ergothérapeute a réglé des problèmes à la maison mais estimait que l’environnement scolaire était sous contrôle. La Dre Joanna Hamilton est la neuropsychologue de Kate. Nous, les membres de son équipe de réadaptation, avons présenté le Modèle d’intégration réussie à l’école secondaire d’une étudiante ayant une LCA à l’Association ontarienne sur les blessures au cerveau (AOBC) en 2009 et à l’Association canadienne des lésés cérébraux (ACLC) en 2012. Ce modèle s’inspire d’une approche déployée de concert avec l’école et d’une coopération entre toutes les parties.
L’objectif ultime était de constituer et de conserver une collectivité renseignée qui pourrait appuyer une élève ayant une LCA dans une salle de classe ordinaire. Nous avons comparé ce modèle à l’approche traditionnelle utilisée dans la plupart des écoles.
Kate a continué de mettre au défi son équipe de traitement et a choisi de suivre des cours d’art dramatique, pas une seule mais deux fois durant son séjour à l’école secondaire. Soudainement, améliorer son intelligibilité de la parole comptait vraiment, puisqu’elle devait se présenter sur scène avec ses pairs. En outre, les compétences en communication cognitive et en fonction exécutive de Kate ont continué de s’améliorer.
Les parents et la famille de Kate ont été ses meneurs de claques personnels tout au long de ce parcours : ils sont d’excellents défenseurs de ses intérêts. Ils exercent également plusieurs fonctions : chauffeur de taxi, aide aux leçons, gourou en techno… pour n’en nommer que quelques-uns!
Selon ses propres mots :
« J’ai été victime d’un accident de voiture. J’ai une lésion cérébrale. Je souffre d’ataxie dans tout mon corps, mais surtout du côté droit. J’ai également de la difficulté à parler, mais si vous pensez que je laisserai ces petits inconvénients freiner mon goût de vivre, vous faites gravement erreur. Je n’échangerais ma vie contre personne ni contre quoi que ce soit. Mes parents auraient aimé que l’accident ne se soit jamais produit, mais je n’échangerais aucune seconde de ma vie. Je n’aurais jamais rencontré la moitié des gens que j’ai connus sans ma lésion. Je me suis fait un tas d’amis que je n’aurais pas eus autrement, et je n’aurais pas bénéficié de cette occasion qui m’est donnée de vous raconter mon histoire. »
En tant qu’orthophoniste, voici les leçons apprises au cours des 13 dernières années :
Kate a enrichi ma vie professionnelle et personnelle et m’a enseigné de nombreuses réalités de la réadaptation et du rétablissement. Le modèle que nous avons élaboré a permis à Kate de participer à des emplois bénévoles et à des stages « coop ». Nous avons également versé une version de son histoire sur son appareil iPad en utilisant une appli de transposition texte-parole. Alors qu’elle envisage des études collégiales, nous pourrons à nouveau diffuser son message et ses stratégies de communication fructueuses avec ses collègues et ses professeurs.
Bien que nos visées aient évolué durant les 13 dernières années, nous n’avons jamais délaissé notre objectif à long terme : celui de faire de Kate la meilleure personne qu’elle puisse devenir!
Pour de plus amples renseignements :
Si vous souhaitez voir Kate utiliser son iPad et comprendre combien efficacement elle communique avec les autres, veuillez cliquer ici.
À visionner :
« Du point de vue de Kate » : une brève vidéo.
Ressources:
Les diapos de comparaison des données du modèle par opposition à l’approche traditionnelle, présentées à l’AOBC en 2009 et à l’ACLC en 2012, sont disponibles ici.
Site Web de Mary-Ellen : www.metphd.ca.
À propos de l’auteure :
Mary-Ellen Thompson
Ph. D., CCC-O, O(C), Membre OAOO
met@reach.net
à gauche : Photo d’obtention du diplôme d’études secondaires de Kate Woods, en juin 2012.
à droite : Kate Woods qui représente son école secondaire et qui remporte la Médaille d’or à la course ambulatoire sur 100 m lors d’une rencontre locale d’athlétisme en mai 2011.