La communication sociale et le TDAH dans les écoles

Par : Gabrielle Dupuis et Chantal Mayer-Crittenden
D’emblée, j’aimerais me présenter, je me nomme Gabrielle Dupuis et je suis une étudiante finissante à la maîtrise en orthophonie à l’Université Laurentienne. Je viens d’une petite ville francophone au Nord de l’Ontario, Hearst. Lorsque j’étais fillette, une enseignante m’a dit « si je pouvais retourner dans le temps, je pense que je serais orthophoniste », et depuis ce moment, je me suis toujours intéressée à l’orthophonie. La communication sociale est un phénomène qu’on retrouve partout, j’ai donc décidé d’en apprendre davantage sur ce sujet en le jumelant avec un trouble qui m’intéresse grandement, soit le trouble déficit de l’attention/hyperactivité (TDAH). Ma superviseure, Dre Chantal Mayer-Crittenden, et moi, avons créé une vidéo pour sensibiliser le grand public à ce sujet. La vidéo a été créée suite aux réponses des participants à un sondage dans le cadre de mon étude pour satisfaire aux exigences de la maîtrise en orthophonie.
Vous connaissez sûrement un enfant qui a un trouble déficit de l’attention/hyperactivité (TDAH). En général, ces enfants ont des difficultés de comportement. Mais qu’en est-il de leur communication ? La vidéo sert à expliquer l’impact du TDAH sur la communication ainsi que le rôle de l’orthophoniste. En contexte social, la pragmatique est en évidence. La pragmatique s’explique par l’organisation du langage et se base sur l’utilisation de la fonction sociale du langage en société. En fait, les études montrent que dès la maternelle, les enfants privilégient des amis maîtrisant bien la langue et évitent les enfants qui ont des troubles de la communication ou qui communique avec moins d’efficacité que les autres.
Examinons les composantes énumérées ci-haut avec plus de détails :
La communication sociale
Selon le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-V) (APA, 2013), le trouble de la communication sociale est lorsqu’un enfant a des difficultés persistantes dans l’utilisation sociale de la communication verbale et non verbale, se manifestant par l’ensemble des éléments suivants :
- déficience dans l’utilisation de la communication à des fins sociales comme saluer une personne et partager de l’information d’une manière qui est appropriée dans un contexte social.
- lire les expressions faciales des gens,
- établir un bon contact visuel
- respecter les tours de parole
- perturbation de la capacité à adapter sa communication au contexte et aux besoins de l’interlocuteur, difficultés à comprendre les concepts abstraits
- déficits de la communication sociale qui peuvent créer plusieurs barrières et limitations lors de communication effective, comme des difficultés avec :
- l’intégration sociale,
- l’autogestion
- affirmation de soi
- le développement des relations sociales,
- le rendement scolaire
Le trouble déficit de l’attention/hyperactivité (TDAH)
Le trouble déficit de l’attention/hyperactivité (TDAH) est un trouble de nature neurodéveloppementale. Selon le DSM-V, les personnes atteintes de ce trouble peuvent démontrer des problèmes d’attention, d’hyperactivité, d’impulsivité, des difficultés cognitives et des déficits au niveau des fonctions exécutives. Par contre, peu importe les symptômes, les gens atteints du TDAH font souvent face à des difficultés pragmatiques. De plus, les personnes qui ont un TDAH peuvent aussi avoir un trouble développemental du langage (TDL). Selon, certaines recherches, le TDAH est le trouble psychiatrique concomitant le plus fréquemment retrouvé chez les enfants qui ont un TDL. En fait, jusqu’à 2/3 des enfants qui ont un TDAH ont également un TDL. Donc, si dans une école de 300 élèves, 30 de ces derniers ont un TDAH, on peut s’attendre à ce que 20 de ces élèves aient aussi un TDL.
Trouble développemental du langage
Les études montrent que 7 %, ou 2 enfants par salle de classe, on un TDL. Ces enfants ont de la difficulté à apprendre et à utiliser le langage. Ils ont souvent de la difficulté à comprendre les concepts plus abstraits, comme ‘température’ ou ‘hiberner’ par exemple, puisque ce sont des concepts que nous ne pouvons pas manipuler/toucher/voir. Ces enfants ont aussi tendance à comprendre l’information de façon très littérale donc, en contexte social ils peuvent éprouver des difficultés notables. Selon les recherches, ceux qui ont un TDL ont souvent de la difficulté à appartenir à un groupe d’amis et sont plus à risque de développer des troubles de santé mentale. Il peut être difficile de distinguer les difficultés sociales en lien avec le TDAH de celles attribuées au TDL, puisque les difficultés langagières de ces 2 troubles se ressemblent beaucoup. Cependant, les difficultés dues au TDAH seul sont plus d’ordre social (pragmatique) tandis que les difficultés liées à la fois au TDAH et au TDL se manifestent au plan linguistique, avec la mémoire verbale ainsi que des difficultés pragmatiques. Une chose est certaine, le TDAH n’a pas d’effet négatif sur le développement langagier des enfants au prise avec le TDL.
TDAH + TDL ≠ plus de difficultés langagières en soi.
Implication d’un orthophoniste
L’orthophoniste joue un rôle crucial dans la remédiation des problèmes relationnels, au-delà de la parole et du langage, car il intervient aussi au niveau des indices sociaux non verbaux et des étiquettes conversationnelles, etc. Un programme sur mesure conçu par un orthophoniste peut aider les enfants qui sont aux prises avec le TDAH et le TDL avec leurs habiletés en communication sociale. Il est important de les diriger vers un orthophoniste lorsque les enfants ont de la difficulté à :
- amorcer ou mettre fin à des conversations avec d’autres élèves de façon appropriée
- respecter des règles de prise de parole en classe ou ailleurs dans l’école
- contribuer aux discussions de classe de manière pertinente
- fournir de l’information adéquate
- s’informer sur l’horaire de la journée
- réagir de manière appropriée lorsqu’on lui demande de modifier son comportement (en acceptant ou en refusant)
- décoder ou interpréter les messages non verbaux de manière appropriée montrer une utilisation appropriée des messages non verbaux (ex. expressions faciales, langage corporel, intonation de la voix, etc.)
Nous rappelons que les enfants qui ont un TDAH ont plusieurs difficultés pragmatiques, ce qui peut avoir plusieurs retombées. En fait, plusieurs recherches indiquent que les personnes atteintes du TDAH ont un taux plus élevé que la moyenne de criminalité et de victimisation par les paires. Serait-ce en partie en raison de leur trouble pragmatique ? De plus, nous savons qu’il existe une forte corrélation entre le trouble développemental du langage et l’incarcération. Certains chercheurs mentionnent même que dans plusieurs cas, les troubles du langage ne sont souvent pas reconnus ou traités. Cependant, très peu d’études ont examiné l’impact de l’intervention en langage sur la criminalité. Dont l’importance d’intervenir auprès de cette population plus tôt que tard. Il est donc important d’orienter les enfants chez qui l’on soupçonne des difficultés en communication sociale vers une orthophoniste afin que cette dernière puisse évaluer ses compétences en communication sociale et intervenir au besoin.
J’espère que j’ai pu piquer votre attention à ce sujet. Si oui, vous pouvez visionner cette vidéo pour avoir plus d’information. Vous pouvez également consulter la page web suivante pour de plus amples renseignements et nous suivre sur les médias sociaux.
Bibliographie :
American Psychiatric Association. (2013). Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition. Washington, DC.
Barkley, R. A. (2006). Attention-deficit hyperactivity disorder: A handbook for diagnosis and treatment. 3 rd ed. Guilford Press; New York.
Giddan, J. J. (1991). Communication issues in Attention-deficit Hyperactivity Disorder. Child Psychiatry and Human Development, 22(1), 45–51. https://doi.org/10.1007/BF00706058
Norbury, C.F., Gooch, D., Wray, C., Baird, G., Charman, T., Simonoff, E., et Pickles, A. (2016). The impact of nonverbal ability on prevalence and clinical presentation of language disorder: Evidence from a population study. Journal of Child Psychology and Psychiatry, 57(4), 1247-1257. doi:10.1111/jcpp.12573