Published on 28 janvier, 2015
0Faire participer les parents : un programme collaboratif innovateur pour la promotion du langage et de la croissance socioémotionnelle chez les enfants d’âge scolaire
Extrait des Archives d’OAC : une série rétrospective annuelle
Publication : Hear Here, vol. III, no 8
Date de parution originale : décembre 1979
Auteur : Beth Thompson
Introduction par : Maureen Penko, O (C) et Sharon Halldorson, O (C)
Les enfants acquièrent le langage oral au fil de leur interaction avec les autres, principalement leurs parents ou les autres proches aidants précoces. Créé en 1977 par Ayala Hanen Manolson, le centre Hanen a cerné le besoin de faire participer les parents à la programmation qui s’adresse aux enfants accusant un retard sur le plan du langage. Beth Thompson, une orthophoniste en milieu scolaire de Winnipeg, a élargi cette idée au contexte scolaire en 1979 avec son « groupe d’intervention langagière mères-enfants ». L’article de Mme Thompson résume un programme pour des enfants de cinq et six ans qui ont un retard de langage et ont des besoins sociaux et émotionnels insatisfaits, caractérisés par une anxiété de séparation et une extrême timidité. Son programme très innovateur comprenait une intervention à la maison et à l’école, à laquelle les mères étaient présentes et participaient toutes les deux semaines dans le cadre du groupe langagier en milieu scolaire exploité par l’orthophoniste. La collaboration avec la travailleuse sociale scolaire a permis à l’orthophoniste d’atteindre des objectifs sociaux et émotionnels tout en comblant les besoins langagiers. Les résultats ont été très positifs et confirment l’importance de faire participer les parents à l’intervention langagière précoce.
En janvier 1979, on a conçu un programme d’intervention pour enrichir les habitudes d’interaction entre une mère et son enfant accusant un retard sur le plan du langage. Les enfants visés par ce programme étaient âgés entre 5 ans et 3 mois, et 6 ans et 10 mois. Tous les enfants fréquentaient la même école primaire, soit des classes de maternelle, d’enseignement préscolaire et de 1re année.
Les six enfants choisis pour le groupe initial (deux filles et quatre garçons) démontraient des retards légers en langage réceptif (de quatre à douze mois) et des retards modérés en langage expressif (de douze à vingt-quatre mois). Les enseignants des enfants signalaient que ces enfants étaient retirés en classe, n’interagissaient pas bien avec leurs pairs et affichaient de piètres compétences en lecture et écriture novices.
Des entrevues ont eu lieu avec chacune des mères des enfants. Chacune a déclaré que son enfant montrait à la fois une anxiété de séparation et une extrême timidité en présence d’étrangers. Chaque mère a également noté que son enfant agissait de façon moins mûre que ses pairs, et ne conservait pas des liens d’amitié.
Compte tenu des similitudes quant aux préoccupations des mères, on a conçu un programme d’intervention grâce aux efforts concertés de l’orthophoniste-clinicienne et des mères. On a établi des objectifs à atteindre à la fois en groupe et en individuel, c’est-à-dire à la maison. Chaque mère a été mise au courant des besoins d’intervention langagière de son enfant et a obtenu de l’aide pour intégrer un programme à réaliser à la maison afin de renforcer la thérapie effectuée à l’école.
Les enfants ont été reçus en groupe pendant 90 minutes chaque vendredi matin. Durant cette période, des concepts et du vocabulaire particuliers ont été présentés par la clinicienne. Des jeux, des chansons et des expériences, notamment des leçons de cuisine, ont été utilisés comme outils d’apprentissage au sein de ces séances.
Les mères se sont engagées à participer directement à ce groupe toutes les deux semaines. Elles étaient chargées d’interagir non seulement avec leur enfant mais également avec les autres mères. On a procédé ainsi pour aider l’enfant à se détacher de sa mère et à apprendre à utiliser d’autres sources de collecte de renseignements. À tour de rôle, les mères ont planifié la prochaine réunion du groupe mères-enfants et assumé une responsabilité financière, au besoin.
Par suite de la séance mères-enfants, les mères ont rencontré l’orthophoniste-clinicienne pour partager une rétroaction et de nouveaux renseignements. Au fil de la discussion, elles ont pu déterminer les points problèmes chez leurs enfants. On y a étudié des aspects importants, soit :
- les habitudes d’écoute;
- la reconnaissance des sujets;
- la séparation;
- la création de périodes d’interaction de qualité à la maison;
- la fratrie;
- l’appui au maintien chez l’enfant de sentiments positifs face à l’apprentissage.
Certains de ces aspects ont été abordés en consultation avec la travailleuse sociale en milieu scolaire.
Grâce à l’utilisation de matériel audiovisuel, les mères ont pu observer leurs interactions avec leur enfant, et introduire de nouvelles stratégies pour les améliorer. L’enseignement de nouvelles habitudes d’interaction a été réalisé par une démonstration de la part de la clinicienne. Ces méthodes comprenaient des façons d’inciter l’enfant à offrir le maximum de renseignements et d’amorcer une conversation.
Grâce à la participation des mères et au recours aux expériences familières, l’enfant a pu transposer beaucoup des nouvelles compétences en interaction à la salle de classe et à la collectivité. Les mères ont signalé qu’elles ont acquis une satisfaction personnelle du fait d’avoir participé directement au processus thérapeutique. Elles ont noté qu’elles se sentaient plus conscientes du problème de leur enfant, et qu’elles étaient davantage aptes à exercer une influence saine sur la solution à ce problème. De façon générale, une mère a obtenu le soutien des autres mères se trouvant dans une situation similaire, et a pu partager ses préoccupations et ses écueils quant à l’art d’être parent d’un enfant accusant un retard sur le plan du langage.
Ce groupe a poursuivi ses activités de février à juin 1979. Il s’est réuni à quinze reprises, dont sept fois où les mères étaient présentes. Un examen de suivi officieux a été réalisé auprès des enfants en juin 1979. Les résultats ont révélé que les enfants s’étaient grandement améliorés dans les domaines de l’utilisation du vocabulaire oral et du langage verbal spontané. Ils ont semblé plus sociables et capables de s’adonner activement à une conversation avec la clinicienne.
Les enseignants ont signalé que les enfants démontraient des aptitudes au jeu plus mûres, et qu’ils interagissaient de manière plus adéquate avec leurs camarades de classe. Ces enfants étaient plus disposés à partager des expériences personnelles et ne semblaient pas aussi hésitants à essayer de nouvelles choses. Cinq des enfants ont été aiguillés vers un suivi plus approfondi dans les domaines du langage en septembre 1979, et un dossier a été fermé.
Ce programme a officiellement été interrompu dans cette division scolaire en juin 1979 vu que l’orthophoniste-clinicienne a déménagé dans une autre ville.
Les plans cliniques ultérieurs consisteront à préciser davantage les habitudes d’interaction particulières entre la mère et son enfant accusant un retard sur le plan du langage, et à fournir plus d’interventions intensives aux premiers stades du développement de l’enfant. On espère que le père et les membres de la fratrie y participeront et qu’un plan d’intervention dynamique de toute la famille puisse être élaboré et appliqué comme outil préventif avant que des problèmes d’apprentissage liés à un retard sur le plan du langage ne se développent.
À propos de la série rétrospective :
Pour souligner le 50e anniversaire d’OAC, nous republierons des articles des premiers bulletins et magazines d’OAC tout au long de 2014. Nous republierons les articles dans leur version intégrale, sans en retoucher ni le style ni la grammaire. Sharon Halldorson, O(C), Maureen Penko, O(C), Andrea Richardson-Lipon, AuD, Aud(C), et Jessica Bedford, directrice des communications et du marketing chez OAC, sont les rédactrices en chef de cette série rétrospective répartie sur toute l’année.