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Published on 21 juin, 2022

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Être sur la même longueur d’onde grâce à la conception universelle de l’apprentissage

S’il y a une chose que la pandémie de COVID-19 nous a apprise, c’est que lorsque les gens s’unissent pour surmonter une difficulté, cela peut donner des résultats remarquables. Parallèlement aux défis, cela a permis d’essayer de nouvelles approches et d’aborder la prestation de services différemment, surtout dans les écoles et les garderies.

La prestation de services d’orthophonie dans les garderies est appelée à devenir de plus en plus difficile puisque les récentes initiatives gouvernementales entourant le financement des garderies risquent d’entraîner une augmentation de la demande. Avec cette pression exercée sur les services, il se peut que nous n’ayons pas l’impression que le temps et l’énergie investis dans les projets de collaboration avec les enseignants et les éducatrices pour favoriser le développement des jeunes enfants soient des plus rentables.

C’est ici que la conception universelle de l’apprentissage (CUA) peut s’avérer utile. La CUA est un cadre qui sert à concevoir des milieux de développement social et d’apprentissage inclusifs (CAST, 2016) et qui fournit une terminologie et des lignes directrices communes pour favoriser l’ensemble des compétences en communication des enfants (Waller, 2012).

L’idée n’est pas nouvelle. Dans un ancien article publié dans Communiqué, Campbell et Gaines (2015) parlaient de la CUA et de la façon dont les orthophonistes pourraient s’en servir en milieu scolaire. La CUA constitue un modèle où les orthophonistes et les enseignants collaborent pour répondre à leurs besoins d’ordre professionnel tout en procédant à des changements durables en classe afin d’atteindre les buts de tous les élèves en matière de communication (Communiqué, mars 2015).

Source: https://udlguidelines.cast.org/binaries/content/assets/udlguidelines/udlg-v2-2/udlg-graphicorganizer-v2-2-francais.pdf

Cela peut tout aussi bien s’appliquer aux garderies et à la collaboration avec les éducatrices et les éducateurs de la petite enfance inscrits (EPEI). Lors de l’évaluation d’un modèle adaptatif, intégratif et coopératif de prestation de services d’orthophonie en place dans les centres de l’Ottawa-Carleton Headstart Association for Preschools (OCHAP), les EPEI ont dit vouloir plus d’aide pour favoriser les compétences en communication chez tous les enfants et plus d’occasions d’échanger des idées avec les orthophonistes (Mander et Moore, 2015). La CUA semblait être la parfaite solution. Elle offrait un moyen de faire collaborer les orthophonistes et les EPEI afin de répondre aux multiples besoins en matière de communication des enfants provenant de secteurs défavorisés.

En collaboration avec l’OCHAP, un projet pilote a été entrepris pour mettre la CUA en œuvre dans des établissements préscolaires avec l’aide d’orthophonistes puisqu’elle n’avait pas été évaluée dans ce milieu. Nous avions pour objectif de voir ce qui résulterait de la collaboration entre les EPEI et les orthophonistes pour favoriser les compétences des enfants en matière de communication à l’aide de la CUA.

À partir d’une étude menée auprès d’ergothérapeutes ayant utilisé la CUA (Campbell et coll., 2012), nous avons travaillé avec des EPEI ayant reçu une formation sur la CUA et nous l’avons mise en œuvre dans quatre établissements préscolaires. Deux orthophonistes ont pris part au projet, chacune a effectué de neuf à dix visites dans deux établissements afin de collaborer avec les EPEI pour la mise en œuvre de la CUA.

Les orthophonistes et les EPEI ont travaillé ensemble pour déterminer les objectifs linguistiques des groupes préscolaires et appliquer la CUA afin de favoriser les compétences des enfants d’âge préscolaire en matière de communication. Les principes de la CUA ont aussi servi à orienter les discussions entre les orthophonistes et les EPEI au cours de leurs échanges et réunions qui ont eu lieu fréquemment.

Quant au temps nécessaire pour la mise en œuvre de la CUA, les EPEI ont investi 9,55 minutes en moyenne pour planifier leurs activités. Chaque consultation tenue entre l’orthophoniste et les EPEI après l’activité a duré 10,22 minutes en moyenne. Environ 11 enfants ont participé à chaque activité retenue.

À la fin du projet pilote, on a rencontré les EPEI pour discuter de leur expérience. La transcription de ces entretiens a été analysée à l’aide d’une analyse thématique (Braun et Clarke, 2006). Sur une base régulière, les orthophonistes avaient consigné les données quantitatives du processus ainsi que leurs observations.

Le modèle de la CUA a généralement été bien reçu par les EPEI qui trouvent qu’il a facilité la collaboration entre les EPEI et les orthophonistes. Des enseignements ont été tirés sur la façon dont les orthophonistes peuvent améliorer le processus de collaboration lorsqu’on instaure la CUA avec les EPEI qui travaillent dans les établissements préscolaires.

Nous avons dégagé dix thèmes des entretiens menés auprès des EPEI. En voici sept :

  1. On a souligné les avantages de la mise en œuvre de la CUA dans les établissements préscolaires Headstart. Les EPEI ont trouvé que la CUA s’avérait utile pour tous les enfants et ont constaté des améliorations chez l’ensemble d’entre eux. Les EPEI ont davantage mis l’accent sur la satisfaction des besoins de tous les enfants. Les EPEI ont trouvé qu’il y avait une meilleure collaboration entre les orthophonistes et les EPEI :

« Je pensais à tous les enfants. » 

« Ça [la CUA] nous a aidés à collaborer. »

  • On a mentionné des difficultés pour la mise en œuvre. Les EPEI ont dit avoir besoin de plus de temps pour former les autres membres du personnel et établir un lien avec l’orthophoniste. Dans l’un des cas, une équipe constituée d’un faible nombre d’EPEI et un roulement de personnel sont venus compliquer la mise en œuvre de la CUA. Étant donné la capacité d’attention et les compétences linguistiques réduites des jeunes enfants, il était difficile de constater ou d’effectuer des changements.

Des EPEI ont dit ce qui suit :

« Cela aurait été une bonne chose que tout le centre participe au projet de CUA, même le personnel de soutien. »

« Ç’a été très difficile, peut-être à cause du groupe d’âge avec lequel nous travaillons, car les bambins ne parlent pas beaucoup. »

  • Effets sur la collaboration entre les orthophonistes et les EPEI : Un certain nombre d’EPEI considéraient avoir déjà de bons rapports avec l’orthophoniste, mais ont précisé que la mise en œuvre de la CUA a offert plus d’occasions et a permis de passer plus de temps à travailler ensemble. Des EPEI ont mentionné qu’avec la CUA il a été possible de collaborer avec les orthophonistes pour établir des objectifs communs. L’orthophoniste leur prodiguait des conseils, contribuant ainsi à les rendre plus à l’aise avec la CUA.

Des EPEI ont dit ce qui suit :

« Je trouve que nous avons vraiment collaboré davantage… plus régulièrement… il y a assurément plus de rétroactions entre nous. »

« Je crois que l’orthophoniste a été d’un grand soutien, car elle nous rappelait les principes de la CUA et à quel point nous les mettons déjà en œuvre. »

  • Recours à des stratégies reflétant les principes de la CUA : Même si les EPEI n’ont pas utilisé la terminologie de la CUA pendant les entretiens, il a été question de stratégies qui tombaient dans la catégorie des « moyens de représentation multiples » (p. ex., utilisation d’images ou d’accessoires, parler plus lentement et répéter) et d’autres qui tombaient dans la catégorie des « moyens d’engagement multiples » (p. ex., se concentrer sur les intérêts de l’enfant, obtenir sa confiance et celle de la famille).

Des EPEI ont dit ce qui suit :

« On fait juste s’habituer à leur parler plus lentement et on s’assure d’avoir les outils en main, comme les images… »

  • Processus de mise en œuvre de la CUA dans les établissements préscolaires : Les EPEI ont aussi expliqué comment leur temps était réparti. On travaillait en équipe pour échanger d’idées, comprendre et mieux connaître la CUA afin d’être en mesure de l’adapter au programme. Selon les EPEI, une partie du processus était consacrée aux réunions pour établir les objectifs, discuter de ce qui fonctionnait et déterminer les prochaines étapes. On travaillait en équipe pour échanger des idées.

Des EPEI ont dit ce qui suit :

« Ça dépend de l’interprétation qu’on en fait [de la CUA] pour ensuite s’en servir en tenant compte de la façon dont on a l’impression que le groupe va en bénéficier, en l’adaptant au centre ou au programme. »

« On s’est assuré que ce soit gérable quand on se rencontrait en équipe pour regarder nos objectifs et déterminer comment adapter la CUA. C’est quelque chose qui était faisable dans l’ensemble de l’équipe. »

« … j’avais des idées ou bien j’avais besoin de parler de mes préoccupations, en fait, non, plutôt des difficultés que des préoccupations, concernant la mise en œuvre et elle [l’orthophoniste] m’a beaucoup aidée. »

  • Perception de la CUA par les EPEI : Les EPEI ont émis des commentaires sur le soutien reçu de l’orthophoniste, la fonction remplie par la CUA, ce que le modèle a apporté aux EPEI et leurs impressions et évaluations générales.

Des EPEI ont dit ce qui suit :

« C’est juste une bonne chose de se rappeler qu’il faut observer les enfants qui se trouvent dans la classe et se demander si l’on répond à tous leurs besoins. C’est bon de rafraîchir ses connaissances et de se pencher sur le cas de chaque enfant pour savoir si on peut s’y prendre autrement pour mieux répondre à ses besoins. »

« Cela nous a donné un objectif pour la classe et permis que toutes les éducatrices soient sur la même longueur d’onde. »

            « Cela nous fournit beaucoup d’informations et d’expérience. »

  • On a établi des liens entre la CUA et d’autres lignes directrices du programme. Les EPEI ont fait le lien entre la CUA, le cadre du programme provincial pour la petite enfance et ce qui se fait déjà.

Des EPEI ont dit ce qui suit :

« Cela complète d’autres lignes directrices que nous utilisons, comme le cadre intitulé “Comment apprend-on?”. »

Conclusions

Il peut s’avérer difficile de fournir des services d’orthophonie dans des établissements scolaires et des garderies. La collaboration est donc de plus en plus importante. Ce projet pilote donne un aperçu et une meilleure compréhension de l’expérience vécue par les EPEI et les orthophonistes lorsqu’ils collaborent pour favoriser les compétences des enfants en matière de communication à l’aide de la CUA.

Les EPEI ont mentionné que ce modèle demande temps et engagement au début, mais qu’il permet d’accroître la collaboration entre les EPEI et les orthophonistes au bout du compte. En s’appuyant à la fois sur les connaissances spécialisées des EPEI et des orthophonistes, la CUA peut contribuer à répondre à la demande en fournissant un soutien orthophonique aux jeunes enfants. La CUA offre un objectif commun afin de mieux répondre aux besoins de tous les enfants du programme en matière de communication. La CUA semble une initiative de collaboration qui vaut la peine d’être utilisée et qui pourrait être mise en œuvre dans plus d’établissements préscolaires comme moyen d’améliorer la qualité des services.

Remerciements

Ce projet a pu être réalisé grâce à une bourse de recherche d’OAC, au personnel et aux familles des établissements d’OCHAP, ainsi qu’aux conseils de Wenonah Campbell, Ph. D., de Robin Gaines, Ph. D., et de l’adjointe à la recherche du CHEO. Ce travail combine une affiche présentée à OAC et le résumé des observations présentées dans notre rapport soumis à OAC en 2019 dans le cadre de la subvention de recherche.

Notes biographiques au sujet des auteures

Nicole Moore est orthophoniste (membre de l’OAOO) au Centre hospitalier pour enfants de l’est de l’Ontario (CHEO). Elle a travaillé pendant quinze ans au sein de l’Ottawa-Carleton Headstart Association for Preschools (OCHAP) et elle continue d’aider les enfants et les jeunes, ainsi que leurs familles, au sein du Programme pour les jeunes enfants de l’Ouest du Québec et de l’équipe chargée des troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale.

Deirdre Mander est orthophoniste (membre de l’OAOO) auprès du Centre hospitalier pour enfants de l’est de l’Ontario (CHEO) et du programme préscolaire d’apprentissage du langage Premiers mots. Elle a fourni des services d’orthophonie à l’Ottawa-Carleton Headstart Association for Preschools pendant 18 ans.

Références utilisées pour cet article

Braun, V., & Clarke, V. (2006). Using thematic analysis in psychology. Qualitative Research in Psychology, 3, 77-101, http://dx.doi.org/10.1191/1478088706qp063oa

Campbell, W., & Gaines, R. (2015, March). Universal design for learning: What is it and what is the value-added for the school-based SLP? Communiqué Blog, Speech-Language Audiology Canada. Retrieved November 24, 2021 from https://blog.sac-oac.ca/universal-design-for-learning-what-is-it-and-what-is-the-value-added-for-the-school-based-s-lp/

Campbell, W., Missiuna, C., Rivard, L., & Pollock, N.(2012). “Support for everyone”: Experiences of occupational therapists delivering a new model of school-based service. Canadian Journal of Occupational Therapy, 79(1), 51-59.

Center for Applied Special Technology. (2016). About UDL. Retrieved April 11, 2016 from http://www.cast.org

Mander, D., & Moore, N.D. (2015). Speech-language service delivery model in low socio-economic status preschools: An exploratory evaluation. Canadian Journal of Speech-Language Pathology and Audiology, 39, 214-236.

Waller, J. (2012). Preparing speech-language pathology students for school-based practice: The importance of graduate clinical experiences in universally designed classrooms. SIG 16 Perspectives on School-Based Issues, 13, 130-135, https://doi.org/10.1044/sbi13.4.130




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