Carrières en santé de la communication : Jusqu’où vous mènera votre diplôme? (Troisième partie)
Les professionnels en santé de la communication qui travaillent dans un cabinet privé bénéficient de plus de souplesse et de liberté que ceux qui relèvent de la fonction publique, mais leur nombre de cas peut également être moins constant.
Par Riana Topan, Adjointe aux communications d’OAC. Le présent article a été publié à l’origine dans l’édition du printemps 2015 du « Coin des étudiants ».
Vous avez déjà pris la décision de devenir un professionnel en santé de la communication, mais savez-vous où vous voulez travailler après l’obtention de votre diplôme? Le présent article constitue la troisième partie de notre série « Carrières en santé de la communication », qui vous donne un aperçu des carrières concrètes en orthophonie et en audiologie dans différents contextes. La première partie s’est penchée sur ce à quoi ressemble un travail dans un cadre médical à titre de clinicien en milieu hospitalier et la deuxième partie a mis l’accent sur les professionnels en santé de la communication dans le milieu de l’éducation. La troisième partie, ci-dessous, explore une journée dans la vie des professionnels en santé de la communication qui exercent en cabinet privé.
Les cliniques privées composent un pan important du système de soins de santé canadien. Des centaines de professionnels en santé de la communication travaillent dans des cadres privés à l’échelle du pays, auprès de personnes de tous âges pour améliorer leur qualité de vie.
Pour obtenir une impression de ce à quoi ressemble un travail en pratique privée, nous avons parlé à trois professionnelles — une orthophoniste, une audiologiste et une aide en santé de la communication — à propos de leurs journées de travail typiques. Les trois avaient initialement prévu de faire carrière dans d’autres disciplines, mais ont éventuellement abouti en santé de la communication. Et elles sont très heureuses de leur décision.
Démarrer dans la profession
Paula Moss, O(C), avait originalement pensé étudier en médecine mais a plutôt opté pour l’orthophonie. Elle a accepté le premier emploi qu’elle s’est fait offrir après la fin de ses études, en répartissant ses journées entre une clinique de traitement des traumatismes crânio-cérébraux et des établissements préscolaires spécialisés, avant d’accepter un poste dans un hôpital communautaire à l’extérieur de Toronto. Aujourd’hui, elle travaille principalement auprès des enfants et des adultes qui se situent le long du spectre de l’autisme ou qui ont d’importantes incapacités langagières, bien qu’elle conserve un intérêt clinique pour le bégaiement.
Mme Moss est reconnaissante de son expérience antérieure à l’hôpital : « Mes collègues communautaires et hospitaliers ont été de fabuleux mentors et ils m’ont aidée à affûter mes aptitudes dans le domaine de la fluidité verbale. Ils m’ont enseigné comment travailler avec les jeunes enfants non verbaux et peu verbaux. Je n’aurais pu en apprendre autant sans le merveilleux mentorat des cliniciens chevronnés de Toronto et des environs. » Le poste a offert à Mme Moss le temps dont elle avait besoin pour améliorer ses compétences et pour choisir une concentration. Elle a éventuellement quitté pour inaugurer son propre cabinet privé avec une psychologue clinicienne avec laquelle elle avait travaillé à l’hôpital.
Jillian Ryan, Aud(C), a en fait travaillé comme nutritionniste pendant un an après avoir obtenu son diplôme de 1er cycle, puis elle a décidé d’étudier l’audiologie. Elle a décroché son premier travail dans un cabinet privé presque immédiatement après la fin de ses études. « J’étais sélective à propos de mon premier boulot étant donné que je le percevais comme le prolongement de ma formation. Je recherchais une audiologiste « mentor » qui m’aiderait davantage à perfectionner mes habiletés; celles que vous ne pouvez acquérir dans une salle de classe. Heureusement, il y avait beaucoup de scénarios parmi lesquels choisir et j’ai opté pour un cabinet privé vu qu’il m’offrait des services de réadaptation approfondie et d’audiologie diagnostique », explique Mme Ryan.
Tout comme Mme Moss, Jillian Ryan a en fin de compte décidé de démarrer son propre cabinet privé, en partie pour bénéficier de plus de souplesse et de contrôle sur son travail. « Après des années d’apprentissage des divers aspects de l’audiologie, je sentais que je voulais créer mon propre modèle de soins aux patients, exploiter des classes de réadaptation auditive et établir mon propre horaire. » Elle n’a pas regretté la décision qu’elle a prise en 2012 : « Cela a été la meilleure chose que j’aie faite. J’adore mon travail. »
Cheryl Booker, une aide en santé de la communication (ATC) située à Hamilton, en Ontario, planifiait se retrouver dans un poste d’enseignante après l’obtention de son diplôme de 1er cycle. Cependant, elle s’est portée bénévole dans des salles de classe alors qu’elle était aux études et a découvert que l’enseignement n’était pas un choix qui lui convenait : « J’ai pris conscience que j’étais davantage intéressée à devenir une ressource pour les enseignants, pour aider les élèves à réaliser tout leur potentiel », explique‑t-elle. Mme Booker a achevé le programme d’ATC au Collège Georgian en 1993 et a consacré environ une année à chercher un travail avant d’accepter un contrat temporaire auprès d’un conseil scolaire.
Pour Mme Booker, chercher un emploi a été pour elle une expérience révélatrice, et parfois éprouvante. Il y a deux décennies de cela, « l’idée d’une équipe interprofessionnelle en orthophonie ou en audiologie était relativement nouvelle; pas tout le monde reconnaissait les bienfaits d’avoir du personnel qui puisse appuyer les orthophonistes dans le cadre d’une thérapie ». Mme Booker travaille maintenant dans un cabinet privé à temps partiel pour suppléer à son poste principal au McMaster Children’s Hospital (Hôpital pour enfants de McMaster), après avoir acquis les compétences cliniques et la confiance dont elle avait besoin pour diversifier ses activités vers le secteur privé, inspirée de son expérience dans un centre de santé communautaire de l’ouest de Toronto. Elle apprécie sincèrement ses tâches : « Je suis ravie d’avoir trouvé ce domaine que je ne connaissais que très peu. »
Une journée bien remplie
Après avoir passé des années à travailler de longues heures à mettre sur pied et à bien commercialiser son cabinet privé (« l’équivalent de trois emplois à un moment donné »), Mme Moss consacre désormais trois jours par semaine à son travail. Elle passe souvent une quatrième journée à travailler avec les organismes communautaires et ramène beaucoup de paperasse chez elle, étant donné que la nature de sa base de patients et de clients nécessite une vaste documentation. Mme Moss consacre aussi beaucoup de temps à son perfectionnement professionnel : « Je passe de nombreuses heures à découvrir les ressources et les nouvelles recherches, à rechercher les travailleurs ayant une expertise et à m’attarder aux dernières trouvailles technologiques. Je suis d’avis qu’il n’est jamais trop tard pour apprendre! »
Mme Ryan, quant à elle, a des journées qui s’échelonnent généralement de 9 h à 17 h durant la semaine, et qui comprennent des consultations avec huit ou neuf patients ou clients chaque jour. Elle effectue des évaluations diagnostiques et des évaluations et ajustements des appareils auditifs, se livre à des discussions sur les produits et assure un suivi auprès des personnes qui possèdent déjà des appareils auditifs. Ces suivis font en sorte que ses patients et clients obtiennent des services-conseils adaptés et qu’ils profitent de leur apparails auditifs. Mme Ryan réalise également des analyses d’implants cochléaires, organise des séances de formation à l’heure du déjeuner avec les médecins de famille et offre des séances d’éducation aux installations de soins de longue durée pour sensibiliser le personnel et les résidents aux besoins d’une amplification et d’appareils auditifs.
En dehors de son travail à l’hôpital, Mme Booker voit un ou deux clients en soirées ou les week-ends. Ces séances exigent qu’elle alloue du temps dans son horaire pour la préparation et la réalisation de suivis auprès de l’orthophoniste superviseur. À son avis, la meilleure partie de son travail est de savoir qu’elle fait une différence. « L’aspect le plus gratifiant est de constater le changement à la fois chez les enfants avec lesquels je travaille et chez leurs familles. » Ses clients ont fait une différence dans sa vie, aussi. « Je sens également que j’apprends encore tout le temps, de mes patients et clients et de leurs familles ainsi que des excellents cliniciens avec lesquels j’ai travaillé. »
À quoi s’attendre
La santé de la communication peut assurément être un champ professionnel émotif. Pour Mme Ryan, la partie la plus satisfaisante de son travail est de faire partie intégrante des réussites de ses patients. « J’adore les aider à mieux communiquer, et apprendre à les connaître, eux et leurs familles. Nous rions et nous pleurons beaucoup… c’est vraiment merveilleux! » Mme Moss a admis qu’elle pleure encore chaque fois qu’elle reçoit une note de remerciement. « C’est fabuleux de voir des clients qu’on croyait incapables de parler devenir des présentateurs radiophoniques et des personnes chargées de prononcer le discours de fin d’études secondaires, ou lorsqu’une personne qui bégayait gravement me demande de lui dénicher un cours à l’université dans lequel elle n’aurait pas à parler et qui devient un jour titulaire d’un doctorat. »
Bien entendu, cela ne veut pas dire que travailler dans un cabinet privé ne comporte pas son lot de défis. À la fois Mme Booker et Mme Ryan ont noté à quel point il leur a été difficile de comprendre l’aspect entrepreneurial de la prestation de services privés. Mme Booker a dit sans hésiter que « le côté « entreprise » du travail en pratique privée est de loin le plus difficile. » Le prochain volet le plus exigeant est l’imprévisibilité : « Il est stressant de ne pas pouvoir compter sur un nombre de clients aussi important que ce que vous souhaiteriez ou que ce dont vous auriez besoin. La clientèle que vous servez est souvent à la hausse ou à la baisse selon que les personnes atteignent les limites des régimes de soins médicaux offerts au boulot. » Mme Ryan a également constaté qu’elle devait apprendre beaucoup de principes de gestion d’entreprise sur le tas, vu que, selon son expérience, « les programmes universitaires canadiens n’offrent pas suffisamment d’enseignement dans le domaine de la pratique privée ».
Mme Ryan a dit que la partie la plus difficile de son travail est de ne pas pouvoir aider tout le monde. « Vous pouvez vous rendre compte qu’une amplification améliorerait la qualité de vie d’une personne, mais celle-ci peut ne pas être prête à l’accueillir. C’est frustrant quand vous savez à quel point elle pourrait en bénéficier mais nous devons nous rappeler que c’est notre travail de lui montrer comment elle peut en retirer une plus grande autonomie, une communication améliorée, des relations enrichies et plus encore. » Néanmoins, Mme Ryan ne se fatigue jamais d’essayer d’améliorer la qualité de vie de ses patients et clients.
Comment réussir en cabinet privé
Alors quelles qualités doit-on avoir pour réussir dans le secteur privé? Mme Booker affirme qu’il y a cinq compétences que les professionnels en santé de la communication doivent posséder pour réussir : une pensée critique, une adaptabilité, une ouverture à la rétroaction, de la patience et une capacité de travailler avec des personnes qui présentent des besoins et des modes d’apprentissage variés et complexes. Son conseil aux étudiants qui souhaitent lancer leur propre cabinet privé, c’est de se lier d’affaires avec des cliniciens aux valeurs semblables. Mme Booker a également souligné l’importance d’être prêts à faire face aux incohérences de sa charge de travail, vu que le nombre de clients et d’heures de travail peut fluctuer grandement.
Mme Ryan, entre-temps, précise que le trait de personnalité singulier le plus important qu’un professionnel doit présenter en cabinet privé est celui d’une bonne écoute. « Apprenez à connaître vos patients, à porter attention à leurs besoins et, surtout, à écouter ce qu’ils ne disent pas. Écoutez vos collègues aussi; ils peuvent avoir une meilleure façon de procéder et vous pourriez découvrir un nouvel angle. » De plus, Mme Ryan suggère de faire l’expérience du plus grand nombre d’aspects différents de la profession pour découvrir votre passion particulière, et de ne jamais cesser d’apprendre. « La formation continue est primordiale à votre croissance à titre de clinicien. Dès l’instant où vous croyez que vous savez tout, vous ne savez en fait absolument rien! »
Après avoir travaillé dans le secteur privé pendant 25 ans, Mme Moss convient que la patience et la compréhension sont déterminantes. L’empathie est essentielle aussi : selon son expérience, faire l’effort de voir les choses du point de vue d’un client — en s’assurant qu’il ne se sente pas jugé et qu’il sache que vous vous souciez de lui — peut faire toute une différence. Et la chose la plus importante que Mme Moss ait apprise, c’est de valoriser son travail. « Trop souvent nous donnons des articles gratuitement ou nous ne facturons pas les rapports, en essayant de damer le pion aux autres orthophonistes… nous devons agir comme des professionnels pour être traités à juste titre. Valorisez toujours votre personne, votre temps et votre tâche. »
Mme Moss offre un dernier conseil à la prochaine génération de cliniciens en pratique privée : apprenez comment vous commercialiser, vous et votre entreprise. « J’ai suivi un cours de marketing lorsque j’ai lancé mon cabinet privé et, honnêtement, ce fut une décision judicieuse », explique-t-elle. « Vous êtes peut-être un excellent clinicien mais si vous ne vous faites pas connaître, si vous ne vous fixez pas des objectifs d’affaires, vous ne réussirez pas. » Mme Moss recommande de faire de votre mieux pour vous connecter à votre communauté, en tissant des liens solides avec les autres professionnels (comme les médecins et le personnel des services de garde, par exemple) grâce au réseautage, à l’animation d’ateliers et à la présentation d’exposés.
En fait, la plupart de ses aiguillages proviennent d’autres clients ou médecins locaux. Bien que son cabinet s’adonne à de la publicité, il attire des nouveaux clients principalement par le bouche-à-oreille. Mme Moss conclut en disant : « Je ne crois pas que nous en fassions assez pour promouvoir notre profession. Cela ne signifie pas nécessairement acheter de la publicité, mais plutôt de nous prolonger vers l’extérieur et de montrer aux gens en quoi vous pouvez les aider, pour leur permettre de saisir l’utilité de votre travail. » Même si cela semble exiger beaucoup de démarches, les professionnels en santé de la communication à qui nous avons parlé jugeaient que le jeu en valait la chandelle. Le parcours vers la réussite n’est pas toujours libre d’efforts, mais, soit dit en passant, pour gagner la partie il faut s’y investir.
Intéressés à démarrer votre propre pratique privée? Lisez notre prochain Bulletin de perfectionnement professionnel pour y découvrir comment vous pouvez accéder à une webdiffusion GRATUITE de la midi-causerie de Tracie Lindblad intitulée Starting a Private Practice (disponible en anglais seulement).
Nous espérons que vous avez apprécié lire cette série en trois parties et que vous vous sentez davantage prêts à faire face à ce qui vous attend dans vos carrières respectives. Un merci tout spécial aux personnes suivantes pour leur aide avec la troisième partie :
Cheryl Booker, B. A., ATC
Cheryl Booker est une assistante en troubles de la communication (ATC) qui travaille à temps partiel chez Little Talkers, un cabinet privé situé à Burlington (Ontario). Elle travaille également au campus Chedoke du McMaster Children’s Hospital et surveille les étudiants ATC durant leur stage au Collège Georgien. Mme Booker est une ex-présidente de l’Association canadienne d’assistants/es en troubles de la communication (ACATC).
Paula Moss, B. Sc. méd. (spéc.), O(C)
Paula Moss est une orthophoniste et une des fondateurs de Moss, Rowden, Freigang & Associates, un cabinet multidisciplinaire situé à Brampton (Ontario).
Jillian Ryan, M. Sc., Aud(C)
Jillian Ryan est une audiologiste et la propriétaire du centre de santé auditive NewLife situé à St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador).
Riana Topan
Adjointe aux communications d’OAC
riana@sac-oac.ca